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sculptures, placé au centre d’une vaste cour dallée, et entouré d’un épais bouquet d’arbres de haute futaie. Comme dans un grand nombre de temples bouddhistes, la disposition intérieure présente beaucoup de ressemblance avec celle des églises catholiques. Le maître-autel est suivi d’un sanctuaire auquel on arrive par plusieurs marches, et il est accompagné à droite et à gauche d’autres autels qui portent des images en bois doré; plusieurs d’entre elles, avec l’auréole qui ceint leur tête et les nuages sur lesquels leurs pieds reposent, semblent être des copies de nos vierges et de nos saints. Des ex-voto couvrent les murailles. Près de la porte d’entrée se tient un homme qui vend des images, des médailles, des chapelets et des prières imprimées; il nous rappelait involontairement notre donneur d’eau bénite. Des nattes d’une propreté irréprochable garnissent le parquet; on y voit agenouillés à et là des moines dont le couvent se trouve dans l’enceinte du temple; leur tête rasée et leurs vêtemens rappellent les moines et les prêtres catholiques : ils ont, comme ces derniers, l’aube, le surplis, le chapelet, les sandales. En général il est difficile de ne pas admettre, lorsqu’on se trouve dans un temple japonais, qu’il existe de nombreuses relations entre les cultes de l’Orient et de l’Occident. On n’en est que plus surpris de la tenue des Japonais; si leur dévotion est sincère, il faut avouer qu’elle ne les astreint pas à des pratiques extérieures bien sévères. Ceux qui entrèrent avec nous à Daïsi riaient et causaient à haute voix; ils nous appelaient d’un bout du temple à l’autre pour attirer notre attention sur tel ou tel objet, et faisaient de bruyans commentaires lorsque nous prenions une note, ou que nous demandions une explication. A la fin, fatigués de nous suivre, ils s’accroupirent autour d’un brasero, et se mirent à boire du thé et à fumer. Je m’approchai alors d’un moine qui, depuis notre entrée, officiait, et qui avait à peine levé la tête pour nous regarder. A genoux devant une table large et basse, chargée de fruits et de grains, il murmurait des prières et alimentait avec de petits morceaux de bois et des gouttes d’huile odoriférante le feu qui brûlait dans un antique vase de bronze ; de temps en temps, il choisissait des feuilles ou des grains qu’il jetait parmi les flammes. C’était un jeune homme à la figure fine et intelligente, comme on en voit beaucoup au Japon; il était vêtu d’une longue robe blanche, et, s’il ne lui eût manqué le capuchon, on l’eût pris pour un moine de l’ordre des chartreux. En sortant du temple, nous fûmes abordés par un gros bonze, qui paraissait être le supérieur de la communauté, et qui, avec beaucoup de bonne grâce, nous pria d’entrer au réfectoire pour y prendre quelques rafraîchissemens.

A la porte de Daïsi, des mendians lépreux, infirmes ou estropiés,