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la magnificence dont quelques voyageurs ont parlé, cette résidence est au contraire d’une simplicité qui contraste vivement avec le luxe, des autres cours orientales. Les nattes qui revêtent les appartemens sont, il est vrai, d’une extrême finesse; les sculptures qui décorent les piliers des portes, les colonnes qui supportent le plafond et le plafond même, sont artistement travaillées et soigneusement finies; mais rien d’ailleurs dans les salles et les chambres n’attire spécialement l’attention : une simplicité sévère règne dans tout l’édifice. C’est un trait général et l’un des plus remarquables du goût japonais que cette simplicité. Les palais des daïmios et des autres grands seigneurs présentent le même caractère : bâtis en pierre ou en pisé, blanchis au lait de chaux, ils ne s’élèvent que d’un étage et ressemblent à de vastes hangars; à l’extérieure, ils n’ont d’autre ornement que des plaques de cuivre fixées sur les portes en bois massif et disposées de manière à représenter les armoiries du propriétaire ou différens dessins. On ne sait rien de précis sur l’intérieur de ces hôtels, où aucun étranger n’a encore pénétré; mais on peut admettre presque avec certitude que là, comme chez toute la bonne société japonaise, la simplicité s’unit à un grand ordre et à une propreté parfaite.

D’agréables promenades larges et sablées entourent le château et en longent les fossés, qui sont littéralement couverts d’oiseaux aquatiques. Ces oiseaux vivent dans une complète sécurité; la troubler serait un sacrilège. Dans l’enceinte de Siro s’élèvent deux collines que tous les étrangers s’empressent de visiter : l’une est située près des palais des trois gosankios; on y monte à cheval; on gravit l’autre par un large escalier en pierre de plus de cent marches. Du sommet de ces hauteurs, on jouit d’une vue immense sur la ville et le golfe. Yédo est une ville de jardins; elle figure un parc dont l’œil ne découvre pas les limites, qui est baigné par la mer, traversé par un grand fleuve, et orné de nombreuses villas. On aperçoit bien dans certains quartiers des suites non interrompues de maisons qui forment des rues régulières; mais à chaque instant des temples, des jardins et des palais viennent briser l’uniformité des lignes, et rétablissent cette physionomie particulière qui fait de Yédo une ville unique dans le monde, et dont le premier aspect produit sur les voyageurs la plus vive et la plus agréable surprise.

Le second quartier de Yédo, Soto-siro, entoure le château, et, comme celui-ci, est de forme presque circulaire. Il a une circonférence de 15 kilomètres 3/4, et couvre une surface de 12 kilomètres carrés. Séparé du château par un fossé, de Hondjo par l’O-kava, et du reste de la ville par un canal qui porte le nom de Chori il est relié au château par douze ponts, à Hondjo par trois des grands