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De nombreux palais de daïmios occupent, dans le quartier où s’élèvent les temples de Quannon et de Confucius, des terrains considérables (5 kilomètres carrés). On y remarque ceux des princes de Mito et d’Owari, proches parens du taïkoun, et celui du prince de Kanga, le plus riche des dix-huit gokchis ou pairs du Japon[1]. Le même quartier contient aussi le grand théâtre, Oki-chibaya ; Yosirara, la ville des djoro-jas ou maisons de tolérance, en dépend également. Le grand théâtre, vaste édifice construit en bois léger, peut recevoir de six à huit mille spectateurs. Yosivara forme une sorte de ville à part, isolée du reste de Yédo par des murailles et des fossés; on y pénètre par une seule porte, qui est gardée nuit et jour par un poste de police. C’est un parallélogramme régulier, mesurant 1 kilomètre 1/4 en circonférence. Quatre rues longitudinales et trois rues transversales, coupées à angles droits, le divisent en neuf quartiers séparés par des grilles en bois, que l’on ferme à volonté et qui permettent d’exercer une surveillance sévère, dont les mauvaises mœurs des habitans expliquent la nécessité. Ce rendez-vous de la débauche n’est fréquenté que par le bas peuple. Les officiers ne s’y aventurent qu’en cachette; ils préfèrent de faubourg de Sinagava.

Le nord de la capitale touche à des jardins de plaisance comme Aska-yama, et à de petits villages qui rappellent les promenades des environs de Paris. Tous les Européens résidant à Yédo ont visité Od-si, le plus remarquable de ces villages par la beauté du site. Il est adossé à une riante colline, près d’une petite rivière aux eaux limpides. Pendant la belle saison, des familles bourgeoises viennent fréquemment s’y reposer à l’ombre des vieux arbres ou dans les maisons de thé, qui y sont en grand nombre ; elles prennent un repas simple, entendent de la mauvaise musique, et paraissent heureuses de ces plaisirs innocens. Bien rarement des discussions ou des querelles troublent le calme de leurs réunions, et un étranger ne peut s’empêcher de se plaire à ces mœurs aimables. Un temple érigé près de Od-si par Hiéas, le fondateur de la dynastie des taïkouns actuels, a été consacré plus tard à ce prince avec la dénomination de gongen-sama-no-tera. On se rappelle que Gongen-sama est le nom sous lequel on rend à Hiéas des honneurs presque divins. L’édifice est de peu d’importance, mais il se trouve dans un beau parc et est entretenu avec le plus grand soin. Les successeurs de Hiéas s’y rendent annuellement pour y adresser des prières aux mânes de leur illustre aïeul.

Le Midsi comprend encore un quartier beaucoup plus petit que

  1. Les revenus du prince de Kanga sont évalué à 1,200,000 kokf de riz, ce qui équivaut à 30 millions de francs environ.