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monte pas à moins de 1,700,000 individus[1]. Ce chiffre est encore inférieur à celui que certains voyageurs, M. de Siebold entre autres, ont indiqué ; mais je pense qu’on peut s’y arrêter, comme n’étant pas trop faible. Il correspond d’ailleurs à l’étendue de Yédo, à l’animation de ses rues, comparée à celle des villes dont on connaît le nombre d’habitans, enfin à la distribution particulière de la superficie de Yédo. Il est probable cependant qu’il cessera bientôt de donner une idée exacte de la vérité. La révolution radicale qui se prépare au Japon, et dont les origines nous ont paru mériter une étude spéciale, s’est déjà manifestée par quelques signes éclatans. Le chef du pouvoir exécutif, le taïkoun, que l’on regarde comme le représentant du libéralisme, a été appelé à comparaître devant le mikado, l’empereur légitime, afin de se justifier de l’accusation d’avoir violé la constitution en concluant des traités avec les étrangers. Après avoir résisté pendant quelque temps, il a été forcé de se rendre aux ordres de son souverain. Rien n’a été divulgué de ce qui s’est passé entre les deux princes; mais les étrangers résidant à Yokohama et à Nagasacki ont noté avec surprise, les uns l’émigration des familles princières de Yédo, les autres le départ de Nagasacki de presque tous les ouvriers employés dans la construction des maisons. On a bientôt compris, et des renseignemens puisés aux sources japonaises ont confirmé cette supposition, que le siège du gouvernement allait être transféré de Yédo à Kioto, que les daïmios seraient à l’avenir dispensés de l’obligation de passer la moitié de leur vie dans le voisinage et sous la surveillance du taïkoun, et que ce dernier, dépouillé du prestige de la souveraineté, allait rentrer dans son véritable rôle, qui est celui de lieutenant du mikado. Quant à la ville de Yédo, l’on peut prévoir le moment où elle ne sera plus qu’une ville marchande. Sans doute, avec les 500,000 commerçans et artisans qui l’habitent, elle comptera encore parmi les premières de l’empire; mais en perdant plusieurs centaines de familles princières et les armées de fonctionnaires, de soldats, de domestiques, qui entourent les daïmios, elle perdra la plus brillante partie de sa population, le principal élément de son

  1. En récapitulant, on voit que les élémens de la population de Yédo se divisent ainsi :
    Bourgeois, marchands, artisans 572,848 habitans.
    Les daïmios et leurs maisons 500,000
    Maison du taïkoun 180,000
    Clergé 200,000
    Voyageurs et pèlerins 200,000
    Mendians hettas et christans 50,000
    Total 1,702,848 habitans.