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la seule conforme à l’esprit philosophique qui doit diriger les sciences d’observation, n’a la prétention d’entrevoir l’avenir que peu de jours à l’avance; encore se défie-t-elle trop d’elle-même et des ressources dont elle dispose pour qu’on ne soit pas tenu, en l’adoptant, de se mettre en garde contre des erreurs involontaires. Cette science du temps, il y a longues années qu’elle est secrètement pratiquée par le marin, le laboureur et le montagnard, par tous les hommes enfin qui sont les témoins quotidiens des grandes luttes de l’atmosphère. De là ces proverbes qui, sous une forme triviale et quelquefois burlesque, renferment souvent des vérités utiles, et qui ont au moins droit à notre respect comme l’expression d’une expérience séculaire. Chacun sait que le brouillard au matin est un signe de beau temps, pourvu qu’il se dissipe à mesure que le soleil s’élève, mais que la brume sur les montagnes est un indice de pluie. Aussi le proverbe nous dit : « Brouillard dans la vallée, — pêcheur, fais ta journée; — brouillard sur le mont, — reste à la maison. » Lorsque le ciel est couvert de petits nuages ronds détachés les uns des autres (les savans appellent ces nuages cirro-cumulus}, on a remarqué que le baromètre baisse, et qu’il faut attendre une tempête. Aussi « ciel pommelé, fille fardée, ne sont pas de langue durée. » Les animaux eux-mêmes, comme s’ils étaient agités par les signes avant-coureurs du mauvais temps, peuvent nous fournir quelques indications. A l’approche d’une tempête, les oiseaux de mer volent avec inquiétude vers la terre et poussent des cris répétés. Le proverbe nous dit encore : «Quand l’hirondelle — à tire-d’aile — vole en rasant la terre et l’eau, — le mauvais temps viendra bientôt. »

Pour que la science des temps fît quelques progrès, il ne serait pas inutile peut-être de chercher le sens souvent obscur de ces dictons familiers, d’ériger en théorie les préjugés populaires et de les soumettre au contrôle des observations scientifiques. Cette science profitera en outre des progrès de la physique terrestre et des relations fréquentes qui s’établissent entre les savans des divers pays. Au fond, le système de l’amiral Fitz-Roy n’est qu’un premier pas fait dans cette voie; aussi nous inspire-t-il une confiance que nous ne saurions accorder aux autres pronostics. Tous les proverbes cependant ne sauraient être vrais; il en est dont la science démontrerait la fausseté, celui-ci, entre autres : « qui veut mentir n’a qu’à parler du temps, » quoique ce soit une appréciation assez juste d’un bon nombre de prédictions météorologiques.


H. BLERZY.