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dans la ville par une arcade qu’on a récemment déblayée jusqu’au pavé, saluons en passant la niche de madone où l’on vient de retrouver une Minerve, et, sans nous arrêter, traversons la rue qui sépare la Basilique du temple de Vénus, puis le Forum, où trône le temple de Jupiter, enfin la rue des Orfèvres ou de l’Abondance, à l’extrémité de laquelle on tourne à gauche, et l’on s’engage dans des ruelles nouvellement percées qui glissent entre des pâtés de maisons inconnues l’an dernier : c’est là le théâtre principal des fouilles de Pompéi en 1863.

J’ai dit qu’autrefois l’on ne travaillait que de temps en temps devant les princes. On travaille aujourd’hui devant tout le monde et tous les jours. J’ai vu de cinq à six cents ouvriers employés à remuer les terres, et j’ai assisté bien des fois, pendant de longues heures, assis sur un banc de gravier qui cachait peut-être des merveilles, à ce rude et intéressant labeur dont je ne pouvais détacher mes yeux. Je suis donc en mesure de parler sciemment. Je ne dis pas ce que j’ai lu, mais ce que j’ai vu. Trois systèmes, à ma connaissance, ont été employés pour les fouilles. Le premier, inauguré sous Charles III, était le plus simple ; il consistait à creuser le sol, à déterrer les objets précieux et à recombler les fosses : excellent moyen de former un musée en détruisant Pompéi. Ce procédé fut abandonné, nous l’avons vu, dès qu’on s’aperçut qu’on avait affaire à une ville. Le second système, perfectionné peu à peu dans le dernier siècle, fut vivement poursuivi sous Murat. On se mit à l’œuvre sur plusieurs points à la fois, et les ouvriers, marchant les uns vers les autres, perçant et coupant la colline, suivaient les rues qu’ils frayaient pas à pas devant eux. C’était déjà procéder mieux, mais on pouvait beaucoup mieux faire encore. En suivant les rues au ras du sol, on attaquait par le bas le coteau de cendres et de pierre ponce qui les obstruait, et il en résultait des éboulemens regrettables. Toute la partie supérieure des maisons, à commencer par les toits, s’écroulait dans les décombres, outre mille objets fragiles qui se brisaient ou se perdaient, sans qu’on pût déterminer l’endroit d’où ils étaient tombés. Pour obvier à cet inconvénient, M. Fiorelli vient d’inaugurer un troisième système. Il ne suit pas les rues au ras du sol, mais il les marque par-dessus la colline, et trace ainsi, parmi les arbres et les terres cultivées, de vastes carrés indiquant les îles souterraines. Nul n’ignore que ces îles (isole, insulœ), dans la langue moderne de l’Italie comme dans l’ancienne, signifient des pâtés de maisons. L’île tracée, M. Fiorelli rachète le terrain qui avait été revendu par le roi Ferdinand Ier, et cède les arbres qu’il y trouve. Avec l’argent qu’il en retire, il forme dans Pompéi même une bibliothèque pompéienne ouverte à tous les artistes et à tous les savans : très heureuse idée pour les