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II.

Le Bullettino archeologico ilaliano de M. Minervini et le Giornale degli Scavi de M. Fiorelli sont jusqu’à présent les seules autorités à consulter sur l’excursion qu’il nous reste à faire. Nous nous arrêterons avec les deux savans guides dans les maisons récemment découvertes qu’ils ont le plus attentivement étudiées, sans hasarder nos propres conjectures sur les nouvelles constructions qui revoient peu à peu le jour, constructions encore informes enfoncées à mi-corps dans la pierre ponce, et ne découvrant que confusément leurs rébus illustrés aux patientes investigations de la science. Nous irons donc devant nous, marchant par-dessus les murs qu’on étaie, sur un sol houleux et à moitié déblayé, sans nous attarder devant les mille objets qui pourraient nous retenir dans ces fouillis de décombres.

Voici un cadavre encore en place, couché dans la chambre où il s’était réfugié, dans l’attitude où il est mort; voilà plus loin le four où cuisaient les fameux pains au moment de la catastrophe, puis la boutique du foulon toute charbonnée de très vieux comptes, puis celle du corroyeur, avec la grande table de travertin sur laquelle cet artisan, nommé Marcus Nonius Campanius (vieux soldat de la neuvième cohorte, centurie de Cœssius), battait pacifiquement le cuir au retour de ses campagnes : on a même déterré son tranchet et d’autres outils de son métier. Le nom du vétéran est marqué très nettement à la pointe, avec les indications que je viens de répéter, sur l’enduit tout frais d’un mur. L’homme reparaît partout parmi ces pierres qui revivent. J’avisai un jour sur la façade d’une maison un éléphant peint, gardé par un pygmée et enlacé par un serpent, au-dessous duquel s’alignaient deux inscriptions tracées en rouge et que je lus parfaitement du premier coup d’œil; l’une disait : Sittius restituit elephantum, et la seconde : Hospitium hic locatur, triclinium cum tribus lectis et com... (commodis?) — en français : « Sittius a rétabli l’éléphant. Auberge à louer, triclinium à trois lits et tout le comfort désirable. » L’enseigne ne mentait pas, le triclinium y était bien. Quant au comfort, je pense que sur ce point les Pompéiens d’autrefois, comme les Napolitains d’aujourd’hui, ne se montraient pas difficiles; mais que pouvait donc être l’aubergiste Sittius? M. Fiorelli, qui connaît de nom tous les habitans de sa nécropole, et qui sait même leur parenté, leur filiation et leurs secrets les plus intimes, nous apprend qu’un certain P. Sittius de Nocera s’étant fort bien battu en Afrique pendant les guerres civiles. César lui fit cadeau d’un vaste territoire, que Sittius partagea en quatre colonies, en leur donnant, comme on fait encore en