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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/230

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s’épanchait formant cascade sur trois petits gradins, et coulait ensuite par une rigole dans un vaste bassin carré, d’une belle profondeur, orné de plaques de marbre et d’une corniche élégante. On distingue encore dans les parois du bassin les crocs en fer où demeuraient suspendues les provisions qu’on voulait tenir au frais. Les Italiens d’autrefois, comme ceux d’aujourd’hui, ne craignaient pas de montrer les coulisses de la cuisine.

Deux inscriptions marquées à la pointe sur les colonnes du péristyle indiquent le métier de Proculus. L’une était une sentence de négociant, traduite ainsi par M. Fiorelli : « si tu cherches la fortune, répands beaucoup, et recueille. » L’autre, une note très curieuse, a été interprétée par M. Minervini dans les termes suivans : « 8 juillet. — Deux cents livres de graisse et deux cent cinquante poignées d’ail. » C’était beaucoup trop pour la consommation d’un petit ménage. Une pareille provision d’ail aurait coûté 2,400 deniers d’après le tarif publié par Dioclétien quelque temps plus tard. Il est donc présumable que Proculus faisait commerce d’ail, et se servait pour ce négoce d’une boutique donnant sur la rue et communiquant avec sa maison. Je note le fait à son honneur : cela prouve que les épiciers pompéiens ne dédaignaient pas les arts, et qu’ils pouvaient décorer très joliment leur logis, tout en vendant de l’ail et de la graisse. En effet, sans nous attarder aux peintures d’un salon et d’une salle à manger ouverts à l’entrée du péristyle (les dernières sont des marines) ni de quelques cabinets latéraux qui servaient de chambres à coucher, nous trouvons dans les trois salles du fond, faisant face au tablinum, de précieux tableaux qui mériteraient une longue étude. Je passe, pour abréger, ceux des chambres latérales, bien que le triclinium à gauche nous montre un Achille surpris par Ulysse parmi les filles de Lycomède et un Jugement de Pâris qui pourraient nous retenir une heure. Je m’arrête dans la salle du milieu, la plus belle de la maison, pavée en carrés de marbre et creusée au centre en bassin de fontaine, ce qui suppose une ouverture dans le toit; c’est une miniature d’atrium.

Chacun des trois murs offre une peinture capitale; celle du fond, très endommagée, représente un Narcisse se mirant dans l’eau; on ne voit que son image. Un petit amour cherche à éteindre un flambeau renversé dans la fontaine; un hermès de Priape est adossé dans le fond à un autel de Bacchus. La peinture à gauche est une des plus expressives que je connaisse. Un hermaphrodite s’y penche, en fléchissant avec un air de tristesse et de défaillance, sur l’épaule de Silène, qui joue de la lyre à contre-cœur, tandis qu’un joli petit amour ailé marche en soufflant dans la double flûte. Une bacchante contemple mélancoliquement cet être douteux qui déconcerte ses désirs; un satyre, stupéfait regarde et recule. L’hermaphrodite est