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même l’emportent à cette allure sur toutes les autres races, à l’exception peut-être des fameux trotteurs américains. Les courses où ces chevaux d’élite (harddraavers) luttent de vitesse, les harddraveryen, sont les fêtes caractéristiques de la contrée. La population entière y prend part et applaudit au vainqueur. Dans toutes les localités un peu importantes, une arène est préparée ; ce sont deux voies parallèles et droites où les chevaux courent successivement deux à deux, de telle sorte que les premiers arrivés luttent toujours ensemble jusqu’à ce que la victoire soit assurée à celui qui a triomphé dans toutes les épreuves. L’avantage de ces harddraveryen, dont l’origine doit remonter bien haut, c’est que les animaux qui y prennent part sont des chevaux de trait qui continuent en temps ordinaire à faire la besogne de la ferme. On tend ainsi à améliorer une race de service en ajoutant la vitesse à d’autres qualités plus solides. Comme les routes faites en brique sur champ sont très bonnes et très douces et que tous les gros transports se font par eau, les cultivateurs impriment toujours à leurs chevaux une allure rapide. Vous les voyez rarement aller au pas; le foin même se rentre au trot. Sur la glace et en voiture, le Hollandais aime à aller vite. Il sort alors de son flegme habituel : il est saisi par l’enivrement de la course, le vertige du mouvement s’empare de lui, et dans cet automédon fougueux, qui accélère sans cesse le pas des chevaux, vous auriez peine à reconnaître cet homme paisible qui ne se hâte jamais, et que le lent sillage du trekschuyt, l’ancien coche d’eau, satisfait pleinement. Les meilleurs chevaux de la Frise sont ceux qu’on élève dans l’île d’Ameland[1] sur les prés protégés par les dunes. Ils ont la jambe plus sèche que les autres et en tout quelque chose des races méridionales. On croit retrouver au milieu des vagues de la Mer du Nord certaines traces du sang des genêts andalous autrefois amenés par les Espagnols. Le mouton frison est remarquable de taille, et il porte une énorme toison où la tête et les jambes disparaissent complètement. A le voir, on dirait une balle de laine ambulante. Quoique sa laine ne soit pas fine, c’est une race précieuse à cause de l’abondance du lait qu’elle donne.

En Frise comme dans la Nord-Hollande, on trouve des cultivateurs très riches, mais il y en a moins parce que le nombre de ceux qui sont propriétaires est moindre. L’augmentation continue des fermages a empêché les fermiers de profiter de la plus-value qu’ont ob-

  1. En me rendant de Leeuwarden à Zwolle, la calèche où nous étions cinq personnes, y compris le cocher, était attelée de deux vieux chevaux, dont l’un était boiteux et l’autre aveugle. Ils firent la route, — il y a vingt lieues, — en onze heures, au plus fort de l’été, sans suer ni souffler un moment, et le lendemain ils refirent le même trajet, soit quarante lieues en deux jours. Ces rosses infatigables étaient nées sur l’île d’Ameland quelque vingt ans auparavant.