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ordinaires, par exemple quand la digue vient à se rompre. C’est ce qui est arrivé cet hiver même. Pendant le mois de janvier, une violente tempête soufflant de l’ouest pendant plusieurs jours accumula les eaux de la mer dans l’Yssel, et surtout dans le Zwarte-Water. Elles s’élevèrent peu à peu jusqu’à la crête de la digue, qu’elles entamèrent de leurs vagues. La digue finit par céder non loin de la ville de Hasselt, sur une étendue de plus de 100 mètres, et tout le polder fut inondé. Heureusement hommes et troupeaux étaient réfugiés dans les fermes, toutes bâties sur des éminences, de sorte qu’on n’eut pas de pertes sérieuses à déplorer. Lors des fameuses tempêtes de 1825, il n’en fut pas de même : l’inondation eut lieu en été, et beaucoup d’animaux périrent. Le rétablissement des digues est toujours un travail coûteux et difficile, parce que la force des eaux, envahissant le polder en cascades furieuses, creuse des trous très profonds, appelés water kolken, qu’il faut combler pour y asseoir les terrassemens. Le polder est divisé en un grand nombre d’exploitations appartenant à différens propriétaires. Plusieurs fermes entretiennent de 28 à 30 vaches à lait, et autant d’élèves et de bêtes à l’engrais. Il en est même qui nourrissent 100 têtes de bête à cornes pendant tout l’hiver. Les meilleurs pâturages sont réservés pour l’engraissement du bétail; les autres sont d’abord fauchés, puis pâturés. Le prix de location varie de 20 à 60 florins par hectare, suivant que le sol est argileux ou tourbeux.

Dans le Mastenbroek, nous venons de constater les heureux effets d’une administration intelligente et les merveilles de la science moderne mise au service de l’agriculture; mais, si l’on veut voir des pâturages naturellement riches, il faut visiter, de l’autre côté de l’Yssel, les nyterwaarden du kamper-Eiland. On entend par nyterwaarden les relais de mer ou de rivière formés à une époque récente en dehors des anciennes digues. Ces relais ne sont préservés contre les eaux que par des relèvemens de terre peu exhaussés (zomerkaden), de telle sorte que l’hiver ou lors des tempêtes d’ouest ils sont inondés; mais les inondations, si désastreuses pour les terres entourées de hautes digues (dyken), sont bienfaisantes ici. Les eaux passent sans faire de dégâts au-dessus des zomerkaden, qui ne sont destinées qu’à contenir les petites crues d’été, et en se retirant elles laissent une couche de limon, engrais excellent pour les herbages. La nature se charge ainsi elle-même de féconder tous les ans le sol qu’elle a fait sortir du sein des eaux. Les nyterwaarden sont donc les meilleures terres du royaume, et beaucoup de personnes regrettent qu’en élevant les digues on ait empêché les rivières de répandre au loin les élémens de fertilité qu’elles apportent avec elles. Quoi qu’il en soit de cette question encore très controversée, il est certain qu’on ne peut rencontrer de plus beaux pâturages que