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Comment d’une autre part l’être vivant, esclave du temps, condamné à ne pouvoir retenir que pour quelques instans ses facultés précieuses, retombe-t-il, après avoir traversé les phases éphémères de son développement, dans le gouffre toujours béant de la mort? On peut et l’on doit même poser ces questions en même temps, car, M. Pasteur l’a montré, la vie et la mort sont deux phénomènes connexes; ni l’être vivant, ni les matériaux qui entrent dans la composition de ses organes, ne peuvent être détruits sans répandre autour d’eux la fécondité parmi ces multitudes de germes qui ne demandent qu’à éclore. La vie ne peut sortir spontanément de la matière organisée, pas plus que la matière physique et minérale ne peut spontanément prendre les formes et les vertus attachées à l’organisation.

Creusons pourtant à fond le problème, et demandons-nous si, entre la vie et la mort, il n’y a pas quelque état intermédiaire qui puisse les unir. Examinons, à ce point de vue, ce que deviennent les principes immédiats qui constituent les organes des êtres vivans, quand le jeu de la vie a cessé, et dans le cas où ils sont cependant protégés contre le contact des germes, et par conséquent contre la voracité des êtres inférieurs. Restent-ils ce qu’ils sont au moment où on les arrache à l’être vivant, à l’instant du moins où les fonctions vitales ont cessé? Pouvons-nous, en les soustrayant à cette pluie qui tombe sans cesse de l’ovaire atmosphérique, pouvons-nous leur conserver artificiellement une jeunesse éternelle? Et s’ils se transforment, comment donc se transforment-ils? Quelques expériences de M. Pasteur peuvent encore sur ce point sinon nous donner la solution du problème, au moins y jeter quelque lumière. Le savant chimiste a prouvé que le sang humain, cette substance si essentiellement altérable, conserve néanmoins, et cela pendant un laps de plusieurs années, son odeur caractéristique dans une atmosphère inféconde. Aucun signe de putréfaction ne s’y manifeste; le sang toutefois se modifie d’une certaine façon et ne reste pas identique à lui-même. Les globules du sang disparaissent, le sérum et le caillot se remplissent de cristaux rouges très nets, pareils à ceux qui, dans certaines maladies, ont déjà été reconnus par les médecins. Au bout de quelque temps, le passage de la forme ovoïde, qui caractérise la vie, aux formes anguleuses du règne minéral est achevé. Chaque goutte du sérum renferme des milliers de petites aiguilles, et, sous le grossissement du porte-objet, le caillot les montre mélangées à la fibrine. Il semble donc que, quand une substance cesse d’être protégée par les forces mystérieuses qui président à la vie, elle ne peut conserver indéfiniment sa structure, lors même qu’elle demeure la même au point de vue chimique. Mais voici un autre fait ; une masse de chair musculaire peut très facile-