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et je fus présenté à une jeune dame que je n’avais pas encore vue et qui était la sœur de la comtesse. Une impression étrange s’empara soudainement de moi, et je sentis que cette jeune personne devait être ma femme. Pendant que nous étions à table, elle se tourna vers moi et me dit en souriant : M. Home, vous serez marié avant la fin de l’année. Je lui demandai comment elle le savait, et elle répondit que c’était une superstition russe, lorsqu’un monsieur était placé à table entre les deux sœurs... Douze jours après, nous étions fiancés... Au mois de juin, nous partîmes pour Saint-Pétersbourg, accompagnés par M. Alexandre Dumas, qui devait servir de parrain à mon mariage... Nous fumes mariés le 1er août, d’abord dans la chapelle particulière de mon beau-frère, d’après les rites de l’église grecque, et puis à l’église de Sainte-Catherine d’après les rites de la foi catholique romaine. » Mme Home fut bientôt initiée par son mari à la pratique des visions. Elle était dès lors atteinte, comme celui-ci, d’une de ces phthisies pulmonaires qui s’allient souvent à une grande exaltation cérébrale, et elle se trouvait ainsi toute disposée à subir facilement l’influence du milieu où son mariage la plaçait. En France, en Angleterre, en Russie, elle assista aux séances médianimiques, et joua son rôle dans les manifestations surnaturelles. Elle est morte à vingt-deux ans, dans le courant de l’année 1862. Le livre des Révélations contient, dans un chapitre intitulé In memoriam, deux notes écrites sur cette jeune femme par deux amies. On éprouve à la lecture de ce chapitre une impression singulière. Le personnage de Mme Home y est drapé et arrangé avec un soin particulier. L’auteur du livre ne pouvait rencontrer un plus heureux sujet pour consacrer sa puissance par un exemple décisif, pour montrer que son « spiritualisme révolutionnaire » donne, comme il l’annonce, les preuves de la vie éternelle. Est-ce à dire que nous prendrons pour vrai le portrait qu’on nous trace? Ce n’est point ce que nous entendons; mais ce personnage de convention n’est, hélas! que trop vraisemblable par certains côtés. Cette jeune malade a une foi sincère, on doit le croire aussi, dans les pratiques auxquelles elle assiste; elle a en même temps une sérénité d’âme que rehausse la conscience de sa mort prochaine; elle s’éteint doucement, et l’idée de la mort lui est familière et gracieuse. Son existence, au milieu de ses souffrances, était, nous dit une des deux amies, « un hymne de chaque jour; » de même la mort est pour elle « un poème. » Dans cet état, elle pense sans cesse à revenir sur la terre et ne perd pas de vue les moyens qu’elle aura de s’y manifester. « Elle reçut mon adieu, dit encore son amie, et elle pressa ma main dans sa main amaigrie en ajoutant dans son joli anglais : — Sentez-la, sentez-la bien, afin que vous puissiez vous la rappeler quand je reviendrai près de vous! » Qu’on fasse aux artifices de