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férence aux indigens. L’appoint à fournir pendant la période des sacrifices s’est élevé jusqu’à 8 centimes 1/2 par kilogramme, et en moyenne 6 centimes. De là une dépense dont le total en quatre ans a été 53,557,947 francs. L’intérêt des bons émis par la caisse de service et les frais d’administration ont coûté 15,533,349 francs : c’est un sacrifice de 29 pour 100 réparti sur six années. La somme totale à récupérer était donc de 69,120,535 francs. Le recouvrement s’est fait moins vite que la dépense, parce que la moyenne des reprises a été maintenue entre 3 et A centimes par kilogramme. Au 31 mai dernier, toutes les avances étaient reconquises : il restait même un boni de 250,000 francs.

La caisse de service n’est pas une de ces banques où les millions se remuent en bloc. Ici les totaux se forment par des opérations minimes et multipliées à l’infini, par des transports de centimes d’un compte à l’autre. Tout Parisien, à son insu, y a son compte courant pour chaque bouchée de pain qu’il mange. Les détails de cette liquidation ressortent, avec une netteté qui ne laisse rien à désirer, dans les rapports publiés annuellement par le directeur, M. Pelletier. Les renseignemens curieux qu’il y consigne à propos de l’aliment essentiel éclairent par un coin la vie de ménage, et justifient en quelque sorte le titre ambitieux donné à ces documens : Compte moral et financier. La caisse de service ne peut remplir son programme qu’à une condition ; connaître minutieusement toutes les transactions, toutes les manipulations qui aboutissent à la vente du pain. Chaque boulanger doit déclarer dans les trois jours les acquisitions qu’il a faites en grains ou en farines, affirmer les conventions de qualité, de prix et de livraison, s’il achète à la halle, de gré à gré ou à cuisson, et enfin justifier son dire par le dépôt des bordereaux et factures. La caisse reçoit par année 60,000 déclarations de ce genre. Le boulanger doit en outre rendre compte du pain vendu, afin qu’on puisse calculer les détaxes et les surtaxes : il est muni de feuilles spéciales où il relève chaque jour, pour l’envoyer à la caisse, le résultat de la fabrication et de la vente de la veille. Sauf le modeste contingent de son bénéfice, l’argent que reçoit le boulanger de ses pratiques ne fait que glisser entre ses doigts : il le porte sans délai à la caisse de service, qui est l’intermédiaire de tous les paiemens à faire aux meuniers; il est même obligé d’avoir toujours à son crédit un dépôt de 2,000 à 6,000 fr. pour la garantie de ses engagemens. Que de calculs et de papier noirci dans les bureaux ! Que de démarches et de temps perdu pour les commerçans! Les boulangers se plaignaient de ce que la compensation aggravait leurs charges. Le règlement des surtaxes et des détaxes les laissait souvent à découvert. Ils étaient, disaient-ils,