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présent des choses. D’après la loi actuelle, les décisions qui associeraient l’Allemagne aux conflits extérieurs peuvent être prises par la diète à la simple majorité ; d’après l’article voté à Francfort, les trois quarts des voix seraient nécessaires. On voit donc que, pour ce qui touche aux relations extérieures de l’Allemagne, nous serions loin d’avoir à nous plaindre de l’adoption du projet autrichien, et que tout témoignage de mauvaise humeur serait aussi inopportun que maladroit. Que l’on ne perde point de vue en effet qu’il ne s’agit encore que d’un projet, et que ce projet n’est pas près de devenir la loi de la confédération. L’œuvre de la réforme du pacte fédéral ne sera point l’œuvre d’un jour ni d’une aimée ; elle est destinée à être traversée par mille incidens.

Le plus gros incident est celui même qui est né du refus de la Prusse de prendre part aux délibérations de Francfort. La situation intérieure de la Prusse, le conflit de la couronne et de la chambre populaire, la dissolution de la chambre, les prochaines élections, forment un autre groupe d’incidens qui peuvent exercer les influences les plus diverses sur la situation intérieure de l’Allemagne. Un des chefs du parti libéral prussien, M. de Schwerin, vient de donner le mot d’ordre électoral de son parti en déclarant que les élections doivent se faire sur les questions intérieures et prussiennes proprement dites, que les électeurs doivent écarter de leurs préoccupations la réforme fédérale et ne pas songer, dans cette crise, aux justes objections que soulève le projet de l’Autriche. Sera-t-il possible de supprimer ainsi dans la lutte électorale la question générale de la réforme allemande ? Si tel est le vœu des libéraux, il est évident que la politique contraire sera celle de M. de Bismark. On annonce que le ministre prussien est en train d’élaborer le contre-projet qu’il veut opposer au programme autrichien. Il est naturel que M. de Bismark se serve de cette manifestation anti-autrichienne pour passionner les élections et tenter de les entraîner à lui ; mais M. de Bismark ne court-il pas à l’impossible en poursuivant une œuvre contradictoire ? Peut-il être à la fois réactionnaire, défenseur absolu de la prérogative royale dans le gouvernement intérieur de la Prusse, et tracer le vrai programme d’une fédération nationale qui, comme toute fédération, est destinée, malgré les apparences extérieures, à être au fond une république ? Tel est le curieux antagonisme dans lequel se débat M. de Bismark, le drame qu’il joue avec lui-même. Nous n’avons jamais méconnu les qualités de cet homme d’état, son activité d’esprit et son courage aventureux ; nous eussions aimé à voir ces qualités mises au service d’une cause plus simple, plus nette et meilleure. Malgré les regrets que nous inspire la politique de M. de Bismark, nous ne pourrons pas assister, sans y prendre un vif intérêt, au spectacle qu’il va nous donner.

L’agitation de la Prusse va être pour la curiosité de l’Europe une autre diversion à la lutte héroïque que les Polonais sont décidés à poursuivre contre leurs éternels persécuteurs. Avec les réponses attendues du prince Gortchakof sera clos le débat diplomatique de la question polonaise. Toute