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mexicain soit établi, avant que l’on connaisse l’acceptation de l’archiduc, avant que l’empereur Maximilien ait pris le pouvoir. Le seul espoir que nous ayons en effet de voir la France sortir de cette aventure, c’est que l’archiduc veuille bien accepter la couronne qui lui est offerte et consente à remplir la mission difficile et peut-être glorieuse qu’un bizarre caprice de la fortune vient lui proposer. Si l’archiduc Maximilien accepte ce trône hasardeux, il rendra à la France un service dont nous devrons lui être reconnaissans. En tout cas, le plus pressant besoin de la France, c’est que les graves questions où on l’engage soient analysées, discutées, élucidées devant elle. Ce sera pour nous tous un immense soulagement d’esprit que de voir s’ouvrir la session du corps législatif et commencer les débats de l’adresse. On ne pourra pas donner une plus grande satisfaction à la juste curiosité et à la légitime impatience de la France que de lui apprendre où elle en est sur tant de points difficiles et de pousser à fond cette indispensable enquête. Nous espérons que les membres du nouveau corps législatif comprendront leur devoir dans ces graves circonstances, et sauront le remplir.

e. forcade.

ESSAIS ET NOTICES.

LE COMTE ROSTOPCHINE.[1]

Les catastrophes de l’histoire se résument souvent dans un de ces faits exceptionnels, imprévus et éclatans qui semblent se détacher du cours régulier des événemens et qui parlent longtemps à l’imagination des hommes. Une sorte de couleur mystérieuse les enveloppe comme pour leur donner un cachet plus extraordinaire ; la légende ajoute à ce que la réalité a déjà d’assez tragique, si bien que cette pauvre réalité finit par avoir quelque peine à se dégager. Un des plus frappans exemples de la place que peut occuper un seul de ces faits mystérieux dans tout un ordre de catastrophes, c’est l’incendie de Moscou éclatant au moment décisif de la campagne de 1812. Il semble qu’à dater de ce jour la retraite de l’armée française s’accomplisse à la sinistre lueur de la flamme vengeresse, et que dès lors tout soit dit. C’est comme la saisissante image de cette fatalité contre laquelle vient se briser avec fracas la plus prodigieuse fortune. Quelle est cependant la vérité sur cet événement, sur ce colossal embrasement d’une ville qui semble envelopper de ses rouges reflets toute cette triste fin de la campagne de Russie ? On la cherche encore au milieu de toutes les contradictions qui se sont élevées. Est-ce l’œuvre spontanée et impersonnelle d’une inspiration nationale poussée au désespoir par l’invasion ennemie, ou le résultat d’un plan combiné et prémédité ? Est-ce un acte de sauvage vandalisme détruisant tout sur son passage pour ne rien livrer, ou un sacrifice héroïque accompli dans un mouvement de religieux enthousiasme ?

  1. La Russie en 1812. — Rostopchine et Koutousof, tableau de mœurs et essai de critique historique, par M. Schnitzler.