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et la force de la nation, soit relâché en même temps. Voilà les doutes auxquels un examen détaillé seul peut répondre. C’est là une carrière tout ouverte pour des esprits actifs et intelligens, lancés déjà sur la bonne piste. Encore une recommandation. Qu’ils soient sobres d’exemples pris à l’étranger : en général, ces exemples inquiètent les Français plus qu’ils ne les touchent. Sans compter que notre amour-propre en souffre, nous sentons trop bien qu’ils ne nous conviennent qu’à moitié, et que nous ne sommes ni Anglais ni Américains. Ce qu’il nous faut, c’est un plan d’émancipation national, gallican, tenant compte de notre histoire, de notre caractère, même de nos faiblesses. Il y a là matière pour une suite d’études patriotiques qui auraient, entre autres avantages, celui de consolider, par la confiance qui naît d’un travail commun, cette concorde d’élémens divers que les rédacteurs de Varia ont eu le mérite d’inaugurer dans leur province.

Est-ce là tout cependant? et, après s’être maintenue tant qu’il ne s’agit que de tracer une ligne de démarcation entre le domaine légitime de l’état et celui de l’individu, cette concorde va-t-elle expirer à la limite même qui sépare ces deux domaines? Entrés dans les régions de l’état lui-même, c’est-à-dire dans celles de la politique proprement dite, nos divisions vont-elles sur-le-champ reparaître? Unis tout à l’heure, devons-nous nous retourner subitement les uns contre les autres, libéraux constitutionnels contre démocrates purs, et monarchiques de telle nuance contre monarchiques de telle autre? Je crois très fort qu’il n’en est rien, et que nous avons encore un long et même très long bout de chemin à faire ensemble.

L’état en effet, c’est bientôt dit; mais de quel état parlons-nous? Il peut être composé de bien des façons et agir de bien des manières. Les attributions qu’un esprit sensé ne peut disputer à l’état, la police, la justice, la levée des impôts nécessaires aux dépenses d’intérêt commun, l’exécution de ces dépenses, la défense du sol national, l’état peut les exercer par différentes sortes d’organes qui se réduisent au fond à trois principaux. Elles peuvent être réunies entre les mains d’une grande autorité constituée au centre du pays et rayonnant ensuite sur chaque point du territoire par l’intermédiaire de délégués qui relèvent d’elle, qu’elle nomme et révoque à volonté, et qui n’ont d’autre tâche que d’obéir à ses commandemens. Ou bien ces mêmes attributions peuvent être réparties entre un grand nombre d’autorités diverses, créées directement dans chaque lieu par l’élection et n’ayant entre elles d’autres liens que celui qui est nécessaire pour qu’elles ne s’entravent pas les unes les autres, et que leur existence simultanée n’engendre pas la guerre civile.