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centaines d’autres des presses de l’imprimeur atteindre un prix beaucoup plus élevé que le chiffre primitivement accepté par l’artiste pour la cession de la pierre originale[1]. En outre, des écrivains spéciaux recueillent et décrivent les pièces dont se compose l’œuvre complet de chaque maître lithographe. Ils en dressent le catalogue, en signalent les états successifs avec le soin qu’ont apporté Bartsch et les iconographes les mieux famés dans leurs recherches sur les anciens peintres-graveurs. Depuis le livre consacré par M. de La Combe à l’histoire du talent de Charlet jusqu’à celui où M. Giacomelli dénombre et apprécie avec une sagacité remarquable les travaux de Raffet, jusqu’aux très utiles catalogues publiés en diverses occasions par M. Burty, on pourrait citer plusieurs ouvrages attestant de nos jours des préoccupations et des efforts de zèle que, fort récemment encore, les monumens de l’art du burin avaient seuls le privilège de susciter.

Que conclure de tout ceci, que signifient ce mouvement du goût public et cette inclination générale à se détourner du présent pour regarder avec un surcroît d’attention en arrière? Est-ce donc que la lithographie a si bien fait son temps parmi nous qu’il ne reste plus désormais qu’à en honorer les reliques? Est-ce qu’après s’être implantée dans le domaine de l’art, elle y a porté ses fruits une fois pour toutes? est-ce enfin qu’en succombant sous les agressions du métier, sous les tristes progrès mécaniques dont la manie des fac-similé a été l’origine et la photographie le dernier mot, la lithographie ne laisse à la critique d’autre tâche qu’un résumé purement historique à faire ou une oraison funèbre à prononcer? Nous ne le pensons pas. Il nous semble plutôt que retracer quelque chose des faits qui se sont succédé jusqu’au moment où nous sommes, ce sera travailler en même temps à ranimer des désirs légitimes, à stimuler les progrès à venir.



I

Nous disions tout à l’heure que les débuts de la lithographie en France ne remontent pas au-delà des premiers temps de la restauration. C’est en effet entre les années 1816 et 1820 que les ressources

  1. Pour ne citer que ces exemples, une épreuve des Deux Chevaux se battant dans une écurie par Géricault a été adjugée en 1861, à la vente de la collection Parguez, au prix de 560 francs, et une autre pièce du même maître, trois Soldats du train à cheval, au prix de 235 francs. Plus récemment, à la vente de la collection formée par M. de Lacombe, telle vignette servant de tête de lettre à une romance et lithographiée par Horace Vernet, par Decamps ou par Delacroix, a été échangée contre une somme d’argent dont on aurait payé, il y a quelques années, l’acquisition d’un dessin unique.