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l’originalité et de la science, la différence est grande entre les œuvres publiées par Raffet à ses débuts et celles qu’il fit paraître dans la seconde moitié de sa carrière ; il y a loin sans doute du disciple et de l’imitateur de Charlet au maître à qui l’on doit le Voyage dans la Russie méridionale, le Siège de Rome et tant d’autre lithographies traitées avec une habileté consommée. Toutefois, si inégaux qu’en soient les mérites, les ouvrages divers de Raffet se relient entre eux par une expression continue de sincérité, de bonne foi, et là même où l’imitation d’autrui est le moins équivoque, il y a dans cette soumission aux exemples jugés les meilleurs une défiance de soi si ingénie qu’on ne saurait l’accuser bien sévèrement, ni confondre de pareils actes de déférence avec les contrefaçons banales et les larcins.

Il ne serait pas tout à fait juste au surplus de ne voir que l’aveu de l’inexpérience ou une abnégation absolue dans les lithographies ou Raffet s’applique le plus soigneusement à reproduire la manière de Charlet. Quelque chose de personnel se fait jour sous ces dehors d’emprunt ; un souvenir assez franc parfois de la réalité vivifie ces formules apprises, ce mode d’expression de seconde main, et mêle au moins une promesse pour l’avenir aux témoignages de la docilité actuelle. Du reste, quant aux sujets choisis et aux procédés de la mise en scène, rien que de strictement renouvelé des exemples du maître. Un recueil intitulé, fort modestement d’ailleurs, Croquis pour l’amusement des enfans n’offre guère, à la grâce et à la finesse près, qu’une seconde édition des lithographies de Charlet sur les mêmes thèmes. D’autres albums, composés de scènes exclusivement militaires, nous montrent sans variantes très sensibles ces grognards dont le crayon n’avait pas cessé depuis quinze ans de multiplier les types, ces conscrits dont il avait tant de fois, déjà raconté les premières émotions, guerrières ou les mésaventures, en un mot; tout ce qui avait été rappelé, décrit, retracé de la vie passée ou, présente de deux générations de soldats. C’est seulement à partir du moment où il remonte, pour le choix de ses sujets, au-delà de l’époque impériale que Baffet, sans affranchir encore très résolument sa manière, commence du moins à y faire la part plus large aux intentions personnelles et à l’invention.

En transcrivant sur la pierre les faits les plus récens de notre histoire militaire, Charlet, Horace Vernet et après eux M. Bellangé s’étaient contentés de reproduire ce qu’ils avaient vu de leurs propres yeux ou ce dont ils avaient pu être directement informés par les héros mêmes de cette histoire. Venu le dernier, Raffet s’était d’abord imposé une tâche semblable, et à l’exemple de ses aînés il s’était à peu près cantonné dans la glorieuse période qui commence et qui finit avec Napoléon. Obéit-il à quelque séduction involontaire