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lui-même et de son isolement sur la terre, à mesure aussi se précisa et s’agrandit l’espérance dont les prophètes d’Israël furent les plus éloquens organes. On comprend qu’à l’idée d’adorer le seul Dieu vivant et tout puissant, tandis que les autres peuples n’adoraient que des divinités inférieures ou illusoires, répondît un jour le sentiment que le peuple choisi par ce seul vrai Dieu l’emporterait infailliblement sur tous les autres, car, selon la foi antique, ce peuple devait être seul favorisé par lui, puisqu’il était le seul qui l’adorât. Ne devait-on pas penser d’ailleurs que ce Dieu, justement jaloux d’être exclusivement adoré par les hommes, détruirait finalement les idolâtries attentatoires au culte qui n’est dû qu’à lui? C’est ainsi que le monothéisme d’Israël s’associa toujours plus étroitement les deux prévisions conjointes de la reconnaissance du seul vrai Dieu par le monde entier et de l’assujettissement du monde entier aux adorateurs du seul vrai Dieu. La croyance en un messie personnel, qui devait accomplir ces grandes choses, ne fut que la dernière pierre posée sur l’édifice des espérances du peuple juif; le peuple le plus ambitieux et le plus humilié qu’il y ait jamais eu.

L’humiliation fut chez lui proportionnelle à sa gigantesque ambition. Les événemens semblèrent se succéder tout exprès pour démentir la théorie. Après la période, plus brillante de loin que de près, des David et des Salomon vint celle des schismes et de la décadence continue. Quelques réveils ardens de patriotisme et de piété ne purent la conjurer. A la fin, il fallut subir la pesante domination chaldéenne. Bien loin de guider son peuple vers ses glorieuses destinées, Jérémie dut pleurer sur les ruines de Jérusalem en compagnie de la vieille mère Rachel, réveillée à Rama, dans son tombeau millénaire par les gémissemens de ses enfans qui partaient pour l’exil. Néanmoins, si le corps du peuple était détruit, son âme ne l’était pas, et les âmes immortelles se refont de nouveaux corps, ou, si l’on veut, quand un peuple est le porteur d’une idée immortelle, il ne peut pas mourir. Pendant les années d’exil, les prophètes parvinrent à maintenir le feu sacré du patriotisme et de la foi. Ce fut enfin au tour de Babylone de succomber sous les coups d’un conquérant, et, favorisée par le gouvernement doux et sympathique des rois mèdes et perses, l’élite religieuse de Juda put retourner aux lieux sacrés que « l’Éternel avait choisis pour y mettre son nom, » et se concentrer paisiblement sur la grande œuvre de sa restauration religieuse.

Cependant il s’en fallait bien que cet état de choses, dont un peuple plus modeste aurait pu se contenter, réalisât les rêves de l’ardente et inquiète société qui nous occupe. La prospérité matérielle était loin de lui suffire, comme du reste à tous les peuples de sang noble. Le peuple juif était toujours" soumis, tributaire, et,