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hérésiarques. La réalité est que nous nous retrouvons ici au milieu de la lutte ardente qui partagea l’église apostolique, et il n’est pas difficile de reconnaître les partisans de Paul sous les traits passablement grossis par l’indignation de l’auteur, judéo-chrétien exalté. Comme de vrais disciples du faux prophète Balaam, qui jadis corrompit le peuple d’Israël, ces faux Juifs, ces faux chrétiens mangent des viandes sacrifiées aux idoles et se souillent par des unions criminelles. Ce sont là précisément les deux principales illégalités que ceux même des Juifs chrétiens qui eussent souffert chez les païens convertis une grande indépendance au sujet des préceptes mosaïques ne pouvaient se décider à tolérer, savoir l’usage des viandes provenant des sacrifices, qu’on vendait en abondance sur les marchés des grandes villes, qu’on servait sur une foule de tables privées, et les mariages, licites au point de vue civil, mais prohibés par la législation de Moïse. Ce qui s’agitait sous cette controverse spéciale, c’est au fond la question de savoir si les chrétiens pouvaient ou non entretenir des relations suivies et amicales avec la société païenne. L’auteur veut, on le voit, que la société chrétienne n’ait absolument rien de commun avec le monde païen. Il les sépare a mema et thalamo. S’il n’attaque pas personnellement l’apôtre Paul, tout en faisant une allusion évidente à ses prétentions apostoliques, selon lui illégitimes, il est certain qu’il n’a aucun égard à ce que cet apôtre a pu enseigner dans les mêmes églises d’Asie-Mineure auxquelles il s’adresse. Plus loin, quand il décrira les murs de la Jérusalem céleste, dont les douze portes présentent chacune un nom d’apôtre, il n’y en aura pas une seule pour l’apôtre des gentils.

En dehors de ce point saillant, cette première partie n’offre rien de bien remarquable. Il faut noter seulement quelques symboles où expressions apocalyptiques. Ainsi Dieu est l’alpha et l’oméga, la première et la dernière lettre de l’alphabet, manière rabbinique d’enseigner qu’il contient toutes choses en lui-même. Le Christ glorifié apparaît à l’auteur au milieu de sept chandeliers d’or qui correspondent dans le ciel aux chandeliers de même nombre du temple de Jérusalem et aux sept églises dont nous venons de parler. Ses cheveux sont blancs, comme l’étaient ceux de l’Ancien des Jours ou de l’Éternel dans le livre de Daniel, ce qui signifie que l’éternité est désormais son partage, et en général disons tout de suite que l’Apocalypse applique à la personne du Christ les attributs symboliques de la Divinité, non qu’elle en fasse le Créateur lui-même, mais elle veut indiquer par là que les attributs divins lui ont été conférés, comme ils le seront ensuite aux élus, en récompense de sa sainteté et de sa victoire. C’est ainsi que sous la figure de l’agneau immolé il a sept cornes et sept yeux, c’est-à-dire la toute-puissance et la toute-science.