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En fait d’interprétations plus sérieuses, ce furent Piscator et Jurien qui les premiers conseillèrent de chercher le mot de l’énigme en hébreu. Leur explication à eux-mêmes ne valait rien et fut oubliée. Il fallut attendre l’émancipation de la critique à la fin du siècle dernier. On s’aperçut alors de l’importance extrême des idées millénaires dans l’église primitive. Un peu de rationalisme aidant, on se persuada que les apocalypses ne décrivaient jamais avec quelque précision que les faits et les hommes de leur temps et qu’aucune ne prévoit un long avenir. Le soupçon se forma que l’Antéchrist de l’Apocalypse pourrait bien n’être que l’empereur Néron. Corrodi, théologien zurichois, dans son Histoire du Chiliasme (1781), Eichhorn, Bleek, Lucke, dans leurs travaux bibliques, fortifièrent toujours plus cette présomption. En 1828, M. Ewald croyait déjà pouvoir lire le nom de César dans le chiffre 666; mais son calcul était arbitraire. Enfin vers l’an 1836, il se trouva que quatre théologiens protestans avaient découvert la vraie solution à peu près en même temps et indépendamment l’un de l’autre. Ils avaient été à la fois frappés d’une même évidence à laquelle un peu de logique et l’érudition acquise devaient infailliblement conduire. C’étaient MM. Fritzsche à Rostock, Hitzig à Zurich, Benary à Berlin et Reuss à Strasbourg. Il s’ensuivit même une controverse assez âpre entre MM. Hitzig et Benary, le premier reprochant à l’autre de lui avoir « soufflé » son explication pour s’en parer devant le public de Berlin. Le fait, dûment attesté, que les deux autres savans étaient, chacun de son côté, arrivés au même résultat, mit un terme à la dispute, et depuis lors, sauf chez les partisans du point de vue traditionnel et chez quelques vieux théologiens, libéraux d’ailleurs, mais qui éprouvèrent jusqu’à la fin une certaine mauvaise humeur contre cette brillante découverte de la jeune critique, on peut dire qu’en Suisse, en Hollande, en Allemagne, dans les cercles qui s’adonnent à la théologie scientifique, le problème est considéré comme résolu.

Rien en effet de plus simple. Il suffit de se rappeler qu’en hébreu les voyelles brèves ne figurent pas dans le corps des mots et d’additionner les lettres hébraïques formant les deux mots Késar Nérôn. Cela donne : K 100 + s 60 + R 200 + N 50 + R 200 + ô 6 + N 50 = 666. La seule objection contre ce calcul, tirée de ce que la voyelle é dans Késar devrait être rendue par un ê long en hébreu, a été amplement réfutée par des exemples contraires tirés de la littérature rabbinique et du syriaque. Il y a plus : un détail, au premier abord insignifiant, des écrits d’Irénée a confirmé mathématiquement l’exactitude de cette solution. Cet évêque nous dit quelque part que certains manuscrits de son temps, il ne sait pourquoi, ont