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de la France, n’étaient pas même accueillies, et la reine Ranavalo, fidèle à son serment, ne voulait entendre parler d’aucune cession de territoire.

Tels étaient nos rapports avec Madagascar quand éclata la révolution de 1830. Le nouveau gouvernement pensa que l’insalubrité ne permettait pas de conserver Tintingue, où la moitié de la garnison française avait déjà succombé; il ordonna l’abandon de ce poste[1]. En même temps les troupes et les bâtimens qui avaient servi lors de la dernière expédition rentrèrent en France, et le gouverneur de Bourbon reçut l’ordre de s’abstenir désormais de discuter la question de souveraineté, pour s’appliquer à rétablir sur le meilleur pied les relations commerciales avec Madagascar.

Jusqu’à présent, nous n’avons vu se produire dans notre politique que l’action du pouvoir exécutif; nous entrons dans une période où celle des chambres va exercer sa part d’influence. Le gouvernement du roi Louis-Philippe avait à faire face à de nombreuses difficultés. Il savait le mauvais vouloir de quelques-unes des puissances européennes, mauvais vouloir que provoquait son origine; il avait à satisfaire aux dépenses et aux nécessités que lui imposait l’héritage glorieux, mais onéreux de la conquête de l’Algérie; pour ne pas s’affaiblir devant l’Europe, pour être toujours prêt à faire ce que l’honneur et la politique lui commandaient, il lui importait d’avoir en toute occasion disponibles sous sa main les forces de terre et de mer. Le gouvernement de 1830 avait le sentiment de cette situation, et les chambres le partageaient. On se décida en conséquence à prendre vis-à-vis de Madagascar une attitude d’expectative; mais pour que cette attitude ne fût pas considérée comme un abandon de nos intérêts, elle fut accompagnée de certains actes qui dessinaient notre politique. On se fit céder par la reine des Sakalaves les îles de Nossi-Bé et de Nossi-Cumba dans le canal de Mozambique et à quelques kilomètres seulement de la côte, et tous les droits de souveraineté sur le littoral occidental de Madagascar. On obtint aussi, par un traité passé avec le sultan Andian-Souli, la possession de Mayotte, la plus importante de ces acquisitions[2].

Le nouveau plan consistait à enserrer la grande île dans une ceinture de stations où flotterait notre pavillon et où nous donnerions protection et refuge aux populations qui tenteraient de secouer le joug des Hovas. Ces petits établissemens, outre l’avantage

  1. Le fort de Tintingue fut évacué et livré aux flammes le 5 juillet 1831.
  2. Ce traité fut ratifié par une décision du gouvernement français le 10 février 1843. Mayotte est la plus au sud et la plus à l’est des îles Comores, à 54 lieues marines de Nossi-Bé et à 300 lieues de Bourbon. La superficie de Mayotte est de plus de 30,000 hectares, non compris les territoires de plusieurs îles qui en dépendent.