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tous les points de l’espace; du Point-du-Jour à Sèvres, la plaine disparaît. Le mouvement est aussi rapide qu’avant l’annexion, et on peut se dire qu’il faudra bientôt aviser. La même cause a produit le même et infaillible effet, et cette cause c’est l’octroi. Faut-il regretter pour Paris l’organisation de Londres, où la cité s’administre en pleine liberté et où les paroisses qui se sont formées autour d’elle sont autant de centres distincts d’activité sans aucune influence sur les destinées de la cité-mère? Peut-on du moins prévoir que, pour mettre fin à cette lutte entre un pouvoir qui veut tout réunir sous sa tutelle et les intérêts qui se groupent hors des murs, l’octroi municipal sera aboli à Paris comme il l’a été à Bruxelles? Les regrets que pourrait inspirer la comparaison de la vie1administrative de Londres et de Paris sont superflus, la différence a sa raison dans la diversité des mœurs et des habitudes nationales. Quant à la substitution d’un nouveau mode d’impôt à l’octroi, source principale du revenu de la ville, la question est tout au moins inopportune. Comment remplacer avantageusement un impôt qui rend avec une si merveilleuse facilité 80 millions par an? Voudrait-on surélever l’impôt mobilier perçu en raison du prix des logemens? Mais sur les 600,000 logemens de Paris plus de la moitié échappent à l’impôt lui-même, et 15,000 appartemens seulement atteignent un loyer de plus de 1,500 francs. Quant à une nouvelle extension des limites de Paris, c’est là une éventualité qui ne semble guère possible, et que nous indiquons seulement comme une preuve des conséquences extrêmes qu’entraîne l’abus de la concentration. Il faut citer aussi à ce sujet un projet consistant dans la suppression du département de la Seine et dans la jonction des territoires en dehors des fortifications aux départemens limitrophes. Paris resterait un territoire neutre comme Washington, cesserait de former une commune et constituerait une sorte d’établissement d’utilité générale, de propriété nationale, dont la gestion pourrait être confiée, à un ministre spécial. Les recettes et les dépenses de Paris seraient discutées, devant le corps législatif. L’annexion de 1850 soulève, on le voit, des questions politiques d’une réelle gravité. En ce qui est plus particulièrement du domaine de cette étude, c’est-à-dire la situation financière que l’annexion a faite à la ville de Paris, les résultats en seront onéreux pendant une assez longue période. Les dépenses nécessitées par les conséquences matérielles de l’annexion étaient évaluées à priori à 150 millions pour déplacement de l’octroi, nivellement et percement des rues, raccordement des égouts, constructions des bâtimens communaux, service des eaux, du gaz, etc. Ces dépenses justifiaient à elles seules l’émission de l’emprunt autorisé dans l’année 1860, qui suivit l’annexion; mais le préfet de la Seine demanda l’affectation spéciale de l’emprunt aux grands travaux exécutés en vertu des lois