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plus adroits que ceux de nos écoles, ils arrivent, grâce au choix heureux des modèles, à une incontestable supériorité.

En regard de ce beau mouvement des écoles d’art industriel que nous présente l’Angleterre, où en est aujourd’hui la France? L’exposition de 1863 nous l’a montré, car on a eu la pensée heureuse, et qui mérite d’être encouragée, d’appeler les écoles de tout le pays à ce concours industriel. Eh bien! il faut que la France sache reconnaître ce que l’Angleterre s’est avoué il y a dix ans : c’est que son enseignement de l’art industriel est à réformer complètement. L’étude de la nature et des maîtres, la seule féconde, qui se manifeste en Angleterre par de si importans résultats, nous n’en trouvons dans les dessins d’élèves exposés aux Champs-Elysées que de bien faibles traces. La plupart de ces dessins trahissent les procédés fâcheux qu’on applique à l’éducation de nos jeunes artistes industriels, retenus d’ordinaire dans une salle close, en face d’un ennuyeux plâtre ou de ces lithographies pénibles et tourmentées dont l’enfant doit imiter avec soin pendant des mois la fabrication laborieuse. Que de temps perdu à faire ces hachures symétriques en forme de filets, qui font oublier et le but du dessin et le sujet même qu’on copie! Si encore ils avaient autour d’eux les objets élégans et précieux qui décorent les palais, peut-être leur imagination, éveillée par la comparaison du beau, ne sortirait pas des règles du goût ; mais ce milieu froid de l’école ou de l’atelier n’est guère fait pour donner à la jeunesse ce goût pur et élevé que la grandeur des œuvres divines peut seule inspirer. Ce n’est qu’au dehors qu’on trouve ce soleil vivifiant qui révèle aux yeux les mystères de la couleur, ces arbres et ces gazons qui les reposent des noires vapeurs du charbon, ces parfums de fleurs, ces baumes de vie qui relèvent l’esprit abattu et lui donnent l’enthousiasme et la force[1].

Il manque donc une bonne direction à nos écoles, et voilà pourquoi sans doute depuis dix ans notre art industriel a vu décroître

  1. Parmi les œuvres des adultes, celles de l’école municipale de la rue Volta, dirigée par M. Lequien, viennent à l’appui de ce que nous avançons par leur contraste même avec les dessins qu’ont envoyés les autres établissemens. Il y a des fleurs d’après nature dessinées sur papier gris bleu, ainsi que des ornemens de panneaux des jeunes élèves Lelong, Huguenin, Kastli, Bourgogne et Fontaine, qui méritent tous les encouragemens, et montrent bien quelle est la route que doit indiquer un guide intelligent. Ce ne: sont là toutefois que des exceptions, et quant aux écoles de province, elles sont dans une direction plus mauvaise encore que celles de Paris. Il faut noter cependant l’école de Charleville, dirigée par M. Blanchard. Il y a là des têtes d’enfans d’après M. de Rudder, où le dessin du maître est copié largement, simplement et sans que la fabrication apparaisse comme le but unique du dessinateur. Sans doute les élèves de cette école ne sont pas plus adroits que les autres; mais le modèle bien expliqué les a conduits dans le vrai chemin.