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et la femme son mari, et alors l’époux survivant hérite du droit. Quand le fermier est ruiné ou qu’il est en retard dans le paiement du fermage annuel, le beklem-regt ne s’éteint pas de plein droit : les créanciers ont la faculté de le faire vendre; mais celui qui l’achète doit d’abord payer au propriétaire tous les arriérés. L’origine de cette variété si curieuse du bail héréditaire est très obscure. On la retrouve avec des conditions à peu près pareilles dans l’île de Jersey et en Lombardie, où le beklem porte le nom de contralto di livello. En Groningue, il semble avoir pris naissance au moyen âge sur les terres des couvens. Le sol ayant alors peu de valeur, les moines accordaient volontiers à des cultivateurs la jouissance d’une certaine étendue de terrain à la condition que ceux-ci paieraient une certaine redevance annuelle, et une autre encore à chaque décès. Ce contrat assurait au couvent un revenu fixe, et le déchargeait de la gestion d’une propriété qui ordinairement ne produisait rien. Les grands propriétaires et les corporations civiles l’adoptèrent également. Ils s’étaient réservé, paraît-il, la faculté de renvoyer le tenancier tous les dix ans; mais ils n’en firent pas usage, parce qu’ils auraient dû payer la valeur des constructions, et qu’ils auraient eu de la peine à trouver un autre locataire. Pendant les troubles du XVIe siècle, le droit devint de fait héréditaire, ou du moins plusieurs arrêts le déclarèrent tel. La jurisprudence et la coutume tranchèrent les différens points contestés; une formule plus claire fut rédigée, généralement acceptée, et depuis lors le beklem-regt, ainsi réglé, s’est maintenu à côté du code civil, toujours respecté et de plus en plus universellement adopté dans toute la province de Groningue. Ce qui étonne extrêmement, c’est que ce droit, en apparence si compliqué, si suranné, puisse se répandre aujourd’hui même et gagner du terrain. Voici l’explication de cette énigme économique. D’abord le propriétaire qui veut céder le beklem-regt sur sa terre reçoit une forte somme et conserve encore, nominalement au moins, la propriété. Ensuite celui qui cultive son propre bien, et qui a besoin d’argent, peut vendre la nue propriété, en se réservant le beklem-regt pour lui-même; mais l’origine ordinaire des nouveaux contrats de ce genre est la vente publique, parce qu’en vendant séparément la