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rempli sa partie dans le beau quatuor qui vient après et qui est l’une des pages les mieux écrites de M. Verdi. C’est dans le rôle de Gilda de Rigoletto que Mme de Lagrange a été le mieux appréciée. Elle a chanté avec une grande énergie le duo du second acte avec le père, et surtout celui du troisième, dont la péroraison est si entraînante. Mme de Lagrange a été encore plus remarquable dans la belle scène du quatuor, où elle a eu de beaux élans. M. Delle Sedie chante et joue le rôle de Rigoletto en véritable artiste, et sa méthode de chanteur est celle que pratique le ténor Fraschini, qui a débuté, il y a quelques jours, dans la Lucia de Donizetti M. Fraschini, qui n’est plus jeune, chante depuis vingt-cinq ans. Il a brillé, comme on dit, sur tous les théâtres de l’Italie, il a été à Londres, à Vienne, à Madrid, à Barcelone, et je ne serais pas étonné qu’il eût été aussi en Amérique. On dit que M. Fraschini a toujours redouté l’opinion de Paris, et que le soir de son début dans la Lucia il avait préparé ses malles pour nous quitter après la représentation, s’il échouait dans sa tentative. M. Fraschini doit être rassuré maintenant, car, dès les premières notes du récitatif qu’il a dites, des murmures approbateurs l’ont accueilli. Il a été admirable ensuite dans le finale du premier acte, alors qu’il pousse ce cri sublime : — Maledetto sia, quel giorno, — et dans la scène dernière, si belle et si pathétique, il a été touchant et a ému toute la salle par ses sanglots, qui ne sont jamais des cris, mais des sons trempés d’émotion qui remuent le cœur en charmant l’oreille.

Tant que l’homme sera l’homme, l’art devra toujours être le revêtement de la vérité, et la mélodie restera l’élément fondamental des plus grandes compositions musicales. M. Fraschini, dont la taille est ordinaire et la figure peu expressive, se rattache par le style et par sa large manière de dire le récitatif à la vieille et belle école italienne. Sa voix, qui n’est pas très forte ni très flexible, je crois, a un timbre qui rayonne facilement, surtout dans les notes supérieures. C’est une voix italienne un peu ternie, mais charmante encore, quand l’artiste est animé. Il phrase admirablement, il articule chaque mot comme le faisait Garcia, et comme le fait M. Tamberlick, avec lequel M. Fraschini a quelques rapports de talent. Nous laisserons ce grand chanteur, que tout le monde voudra entendre, aborder les différens rôles de son répertoire avant de le juger définitivement. Il nous suffit d’avoir annoncé aux amateurs qu’il y a à Paris un maître del cantar chenell’anima si sente, comme dit Rossini.


P. Scudo.
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ESSAIS ET NOTICES

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LES ANCIENNES PROVINCES DE LA POLOGNE ET LES TRAITÉS DE VIENNE.


La question des anciennes provinces de la Pologne a pris tout d’un coup une grande place dans les préoccupations des hommes politiques.