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au ministère pastoral. À partir de ce moment, il semble disparaître ; on ignore la date de sa mort.

Les œuvres de Burkhard Waldis sont assez nombreuses ; on y remarque surtout une comédie morale intitulée la Parabole de l’Enfant prodigue (de Parabell vam vorlorn Szohn), imprimée à Riga en 1532, des prières en vers, des pièces satiriques contre le duc de Brunswick, des récits et moralités en prose, etc. Le plus important de tous ces ouvrages, celui qui assure une place à l’auteur dans l’histoire de la poésie allemande, c’est le recueil de fables donné sous le titre d’Esopus. L’Esopus a été l’occupation continuelle de Burkhard Waldis ; il y travaillait déjà pendant son séjour à Riga, comme on le voit par la dédicace ; il y travaillait encore après son retour dans sa patrie, et consignait dans le quatrième et dernier livre les souvenirs ou les épreuves de sa vie.

Voilà précisément ce qui fait le vivant intérêt de ce recueil. Ces réminiscences d’une laborieuse carrière, ces souvenirs du couvent des franciscains à Riga et de la mission catholique à Nuremberg, cette expérience des hommes en des conditions si diverses, ces leçons recueillies par l’ouvrier, par le maître fondeur, par le négociant hardi, par le voyageur infatigable, par le prédicateur errant et le pasteur sédentaire, ces avertissemens donnés ou reçus tour à tour, cette sagesse naïve apprise dans les livres sacrés et dans le commerce des humains, cette pensée naturellement grave qui s’arme de railleries pour la lutte, tout cela imprime aux apologues de Burkhard Waldis une véritable originalité. Certes, il n’y a rien chez lui qu’on puisse comparer à ce mélange de familier et de sublime, de finesse naïve et de dramatique vigueur, qui fait de notre La Fontaine un maître hors de pair ; quelle différence toutefois entre Burkhard Waldis et tant de fabulistes anonymes, je veux dire sans nom distinct, sans inspiration propre, qui n’ont fait que répéter la tradition séculaire. Le caractère particulier de Burkhard Waldis, c’est qu’il est le fabuliste de la réforme, et que tout se rapporte dans ses récits aux intérêts de la révolution religieuse.

En veut-on un exemple ? Il y avait dans les fabliaux allemands du moyen âge un récit intitulé la Confession, — diu Bihte, ou bien encore Pœnitentiarius ; c’est le sujet que La Fontaine a immortalisé dans les Animaux malades de la peste. Burkhard Waldis s’empare de ce thème, mais il n’y voit pas ce qu’y verra le fabuliste français du XVIIe siècle, l’occasion d’une grande peinture, d’une grande et éternelle scène de la tragi-comédie sociale ; il place la vieille moralité dans le cadre du XVIe siècle, au milieu des personnages de la renaissance et de la réforme. Dès le premier vers, le pape Alexandre VI est nommé. Ne dites pas qu’on ne s’attendait guère à voir un Borgia en cette affaire ; il faut s’y attendre sans cesse avec Burkhard Waldis. Papes et cardinaux, aussi bien que Luther et Calvin, ont leur place nécessaire dans ces fables. Donc, en l’année 1500, le pape Alexandre VI est à Rome, et comme il convoque tous les pécheurs pour la distribution des indulgences, le loup, le renard et l’âne, alléchés par ces promesses solennelles, s’empressent de partir en pèlerinage. Ici, on le pense bien, les satiriques observations ne manquent pas sur les prétentions du pontife qui se substitue à Dieu : on croirait lire un pamphlet de l’époque. Ce n’est pourtant pas à Rome que la fable nous conduit ; l’auteur ne