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LE
PEINTRE APELLE

Toutes les époques se plaignent de ne pas ressembler à l’époque qui les précède, et les fils, se comparant avec humilité à leurs pères, appellent souvent décadence les évolutions naturelles de l’esprit humain. Le mouvement est la loi du monde des idées aussi bien que du monde matériel : quand les sociétés sont à leur enfance, ce mouvement continu est un progrès; quand elles ont atteint leur maturité, ce n’est plus qu’une décadence. Dans les deux cas, l’impulsion est irrésistible, et l’humanité, qui voudrait en vain s’arrêter, cède à quelque chose de fatal.

Les Grecs, dont l’esprit était si vif et si mobile, ont fait tous leurs efforts pour lutter contre la force qui les entraînait. Leurs écoles étaient admirablement constituées, ils s’attachaient à la tradition avec une ténacité intelligente, ils prétendaient se transmettre le génie des belles choses ainsi qu’on se transmet un patrimoine, et cependant ils ont eu, comme les autres peuples, leur apogée et leur déclin. Les modernes répètent parfois que dans l’art grec la perfection est constante, préjugé banal que la science réfute aussi bien que l’histoire. Je ne sais même si les Grecs ont descendu la pente plus lentement; mais comme ils s’étaient élevés plus haut, la pente était plus longue.

En plein siècle de Périclès, au sein de l’école de Phidias, déjà les principes de Phidias sont discutés, car Alcamène, son plus brillant disciple, lui fait une opposition sourde; déjà les modèles admirables qu’il avait créés sont dédaignés, car les mêmes mains qui venaient de sculpter la frise calme et grandiose du Parthénon exécutaient loin des yeux du maître la frise du temple de Phigalie, où percent l’exagération et une certaine recherche. N’est-ce pas Thucydide,