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vingt ans, Navier terminait ainsi un remarquable mémoire auquel l’Académie des Sciences donnait son approbation : « La création d’un art de la navigation aérienne, dont les résultats pourraient être utiles et présenter autre chose qu’un spectacle, est subordonnée à la découverte d’un nouveau moteur dont l’action comporterait un appareil beaucoup moins pesant que ceux qu’exigent les moteurs que nous connaissons aujourd’hui. C’est aussi la conclusion à laquelle nous venons d’arriver. » Plus récemment, MM.  Giffard et Landur ont traité de nouveau le problème par l’analyse mathématique et sont arrivés au même résultat ; mais on se demande en vérité si le calcul était bien nécessaire ici. Le bon sens suffit assurément pour nous convaincre que l’homme, lourd et pesant animal, qui a peine à se mouvoir dans l’eau, ne saurait voltiger dans un fluide mille fois plus léger, ni imiter l’oiseau si souple et si vif en ses allures.

Certes c’est une utopie bien séduisante que la locomotion aérienne et bien propre à enflammer l’imagination. Toute ville, tout village, chaque usine jouirait des avantages d’un port de mer. Les canaux, les routes et les chemins de fer deviendraient inutiles et rendraient à l’agriculture la surface qu’ils occupent. Les vaisseaux (s’il en restait encore), surpris par la tempête, seraient enlevés par leur grand mât en pleine mer et reconduits au port ; ils seraient transportés pardessus les isthmes et les chaînes de montagnes. La guerre ne se ferait plus que par en haut au moyen de bombes formidables qu’on laisserait tomber d’aplomb sur les armées et les places fortes ; mais il n’y aurait plus de guerre, car les frontières seraient effacées, les peuples communiqueraient en quelques heures d’un antipode à l’autre, et par un contact incessant se fondraient en une seule famille. L’intérieur des continens inaccessibles n’aurait plus de mystères pour nous. Que si c’est trop présumer de la puissance des aéronefs, au moins dans une sphère plus limitée serait-il possible d’établir entre la terre et un navire naufragé des communications promptes et faciles, de secourir en cas d’incendie les habitans d’une maison jusqu’aux étages les plus élevés, de franchir les rivières sans ponts et la Manche sans bateau à vapeur.

Admettons en définitive que l’homme puisse réussir tôt ou tard à s’élever et se diriger dans l’atmosphère, cela ne veut pas dire qu’il planera comme l’aigle au sommet du firmament ou qu’il franchira comme l’hirondelle d’immenses espaces sans s’arrêter. Son vol serait probablement bas, timide, embarrassé ; il n’a besoin ni de monter dans les régions supérieures de l’atmosphère ni d’aller chercher au-dessus du sol les voies de communication rapides qu’il trouve à la surface. Il est superflu pourtant de chercher le secret