Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fût plus savante, nous nous arrêterions longtemps avec lui, si nous étions à Dresde, où la bonne foi germanique a fait d’une de ses madones le pendant de la Vierge de San Sisto. Rien n’est plus propre que ce rapprochement à faire juger les deux écoles, les deux arts, l’Allemagne et l’Italie, je veux dire l’excellent et le sublime; mais nous sommes à Munich, où d’excellens portraits de Holbein n’ajoutent rien à ce que nous savons de lui. Ne sortons pas encore du cercle de la peinture du Nord.

On sait qu’elle se divise en trois écoles principales : celle de l’Allemagne, l’école flamande et l’école hollandaise. Quoique celle-ci soit à Munich largement représentée, on ne peut parler de ces petits tableaux sans devenir aussi minutieux que la peinture qui les a produits; passons vite, et négligeons tout ce qui n’offre guère que des beautés familières. Au milieu de tous ces humbles copistes de la réalité domestique, de tous ces micrographes du crayon et du pinceau, qui se passionnent pour le fait et pour le rendu, un seul homme a tiré du fond même de cet art, qui travaille à la lampe et à la loupe, un idéal de son invention, car l’idéal de Rembrandt est plutôt l’imaginative. C’est moins la réalité que l’effet de la réalité éclairée d’une lumière dont il a le secret. Son art est un flambeau dont seul il dispose; par ses rayons, ses reflets et ses ombres, il transforme jusqu’aux scènes vulgaires qu’il retrace; il prête un éclat fantastique même à de simples vues d’intérieur, qui deviennent presque des tableaux d’histoire. A Munich, le prestige de Rembrandt se manifeste non-seulement dans les portraits, mais dans une Descente de croix et dans une Ascension qui semblent illuminées d’une splendeur surnaturelle.

Mais la branche flamande de la peinture des Pays-Bas appelle tout autrement nos regards. Après Van Eyck vient Hemling. Un coup d’œil superficiel les confond tous deux. Le second n’est pas même l’élève du premier, et pour le sentiment comme pour la réflexion il le dépasse. Il a moins de sécheresse, moins de dureté, et l’expression morale, qu’il cherche davantage et rencontre mieux, le place au-dessus des créateurs de l’école ; mais les Hemling sont rares, et ceux de Munich sont contestés. Bientôt Metzys nous ramène aux sujets de genre traités dans les proportions de l’histoire, et ses éternels usuriers, changeurs ou peseurs d’or ne sont pas pour rehausser le but où doit viser un talent sérieux. Après lui Van Orley, Hemskerke, Sustermann, Mabuse, Schoorel, Cocxie, vont tous en Italie et semblent briguer ce titre de Raphaël flamand qui fut donné à deux ou trois d’entre eux, et que la postérité n’a conservé à aucun. Cependant ils y ont gagné d’adoucir les duretés de l’école, d’assouplir leur manière et d’épurer leur composition; mais aucun