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une harmonie morale que la Grèce seule peut-être avait connue, et à ce titre elle demeure au-dessus de toutes les autres écoles. Une large unité dans laquelle domine constamment le sentiment de la beauté, voilà l’excellence distinctive de cette glorieuse manifestation du génie de l’art, et chez aucun peintre cette excellence ne s’est montrée avec autant de pureté que chez Raphaël. C’est par là que, sans préjudice de la variété et de la supériorité dans toutes les autres parties de l’art, l’Italie doit servir, à tout jamais de modèle, et que tout ce qui touche un pinceau doit tenir Raphaël pour son maître.


IV

Malgré les efforts souvent heureux qu’ont faits les artistes de Munich, peintres, architectes, sculpteurs, pour mettre dans ces innombrables monumens leur part individuelle de création, on est forcé de convenir que tout porte ici plutôt l’empreinte de l’intelligence qui imite que du génie qui invente. C’est la critique, c’est l’esprit critique du moins qui partout a dominé. C’est pour avoir étudié, comparé, jugé, qu’on a pu concevoir l’idée et former l’entreprise de simuler sur une grande échelle et dans la même enceinte l’œuvre des siècles et des peuples divers, de ressusciter à la fois l’art grec et l’art gothique, et d’évoquer le génie de l’Orient en même temps que celui de la renaissance. Un éclectisme plus ou moins éclairé, plus ou moins hardi, était la seule liberté permise à ces artistes obligés de consulter à chaque instant leurs souvenirs et les règles constatées par leurs études pour ne rien faire en composant qui ne fût strictement conforme au type historique qu’ils devaient reproduire presque avec les défauts qui le caractérisaient. Rien ne s’est donc fait de nos jours qui, autant que le réveil de l’art en Bavière, portât le cachet du temps, de ce temps où, dit-on, le jugement a remplacé l’imagination, et je ne puis m’empêcher d’ajouter que si l’on considère en lui-même et dans ses œuvres propres l’art qui a suivi ce réveil, il attestera en effet plus de science que de génie, plus d’intention que d’exécution.

La peinture peut être prise pour base d’appréciation. Si l’on étudie les ouvrages qu’elle étale, soit dans la salle d’exposition permanente, soit même dans la nouvelle Pinacothèque, on trouve un assez bon nombre de tableaux de genre d’un mérite égal à celui dont les Allemands ont fait preuve dans nos expositions parisiennes. Encore les Belges obtiennent-ils parfois le premier rang, et cette imitation libre de l’école flamande qu’ils nous ont fait connaître laisse peu de place à la grande et sérieuse peinture, à la peinture d’histoire.