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qu’on l’appelle dans le langage ambitieux des vieilles légendes.

Le Tamar, cette ceinture mouvante et sinueuse qui sépare la Cornouaille du Devonshire, est Une belle rivière qui, en s’éloignant de Saltash et en remontant aussi loin que Newbridge, baigne tantôt des rives singulièrement pittoresques, tantôt des murs de rochers recouverts d’une végétation sauvage. Le voyageur qui pénètre dans la Cornouaille a nécessairement traversé le Devon, et il ne tarde point à s’apercevoir d’un grand changement dans le style du paysage. Il existe un véritable contraste entre ces deux provinces. Aux traits doux et amollis d’une campagne fertile succède bientôt une contrée à physionomie sévère, qui se distingue surtout par la rudesse et la grandeur des lignes. Il y a peu de hauts arbres, et les habitans du Devon reprochent en riant à ceux de la Cornouaille de n’avoir point même chez eux assez de planches pour se construire un cercueil. Les voisins sont médisans : on rencontre çà et là, sur le versant rapide des hautes collines, quelques bois de jeunes chênes ; seulement ces arbrisseaux n’atteignent guère une taille vénérable, et sont coupés après un certain temps pour faire du charbon. Si l’on’ tient à comprendre la nature de cette végétation, qui diffère par tant de traits essentiels et frappans du caractère habituel d’un paysage anglais, il faut se faire une idée précisé de la position et de la forme géographique de la Cornouaille.

La carte de l’Angleterre a été comparée par des géographes humoristes à la figure d’une vieille femme qui se chauffe les mains et les pieds au soleil couchant, ou, si l’on veut, aux volcans éteints de l’Irlande. Ces pieds imaginaires se trouvent formés par un promontoire qui s’avance à plus de quatre-vingts milles dans l’Océan-Atlantique. Ce promontoire lui-même est la Cornouaille, divisée dans presque toute sa longueur par une arête centrale en deux larges versans qui se rétrécissent et se confondent vers la pointe[1]. L’un de ces versans fait face à l’ouverture du détroit de la Manche, et l’autre au détroit de Bristol. L’arête centrale se compose d’une série de collines plus ou moins élevées qui commencent dans le Devonshire, et qui continuent, malgré quelques dépressions, jusqu’au Land’s End, c’est-à-dire jusqu’à l’extrémité sud-ouest de l’Angleterre. Ces collines sont pour la plupart des bosses de granit qui se soulèvent de distance en distance. Elles ont été assimilées à d’énormes vertèbres qui relient entre elles les diverses parties de la province, et fortifient en même temps cette queue de terre contre les furieuses attaques des deux mers entre lesquelles elle se trouve répandue. Une telle chaîne de petites montagnes, embrassant

  1. L’étymologie de Cornouaille est pointe ou corne de Waël, Corn-Wall.