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LA
TRADITION CONSTITUTIONNELLE
EN FRANCE DE 1789 A 1863

La révolution française a peut-être moins à se plaindre des hommes qui l’ont compromise par leurs fautes que des historiens qui ont prétendu transformer ces fautes en services. De dangereux apologistes se sont efforcés d’établir une étroite solidarité entre les idées proclamées à cette époque et les violences qui en déterminèrent le triomphe. De là l’alternative imposée aux générations futures de tout accepter dans ce terrible drame comme légitime, ou de tout y répudier comme odieux. L’école monarchique dont M. de Bonald fut le chef, considérant l’œuvre de 89 comme incompatible avec les lois naturelles des sociétés humaines, n’admet pas que des doctrines radicalement fausses puissent profiter même indirectement aux nations. L’école démagogique maintient d’un autre côté que, dans la lutte à mort engagée pour la conquête du droit nouveau, les moyens, ne pouvant être séparés du but, restaient couverts par l’inviolabilité départie à toutes les œuvres nécessaires. Aux yeux des uns, la révolution fut donc maudite jusque dans le bien; aux yeux des autres, elle demeura consacrée jusque dans le mal.

Cependant les publicistes qui ont cherché des excuses pour tous ses grands attentats n’en ont pas su trouver pour ses petites fautes. Les hésitations assez naturelles de la France au milieu d’épreuves redoutables, ses temps d’arrêt sur une route semée d’écueils, n’ont obtenu de leur part ni indulgence ni merci. Ils n’ont pas compris