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La physique et la chimie se ramènent dès lors à la mécanique, non en vertu d’aperçus obscurs et incertains, non à la suite de raisonnemens à priori, mais au moyen de notions indubitables, toujours fondées sur l’observation et sur l’expérience, et qui tendent à établir, par l’étude directe des transformations réciproques des forces naturelles, leur identité fondamentale.

Pour atteindre à de si grands résultats, pour enchaîner une telle multitude de phénomènes par les liens d’une même loi générale et conforme à la nature des choses, l’esprit humain a suivi une méthode simple et invariable. Il a constaté les faits par l’observation et par l’expérience ; il les a comparés, et il en a tiré des relations, c’est-à-dire des faits plus généraux, qui ont été à leur tour, et c’est là leur seule garantie de réalité, vérifiés par l’observation et par l’expérience. Une généralisation progressive, déduite des faits antérieurs et vérifiée sans cesse par de nouvelles observations, conduit ainsi notre connaissance depuis les phénomènes vulgaires et particuliers jusqu’aux lois naturelles les plus abstraites et les plus étendues ; mais dans la construction de cette pyramide de la science toutes les assises, de la base au sommet, reposent sur l’observation et sur l’expérience. C’est un des principes de la science positive qu’aucune réalité ne peut être établie par le raisonnement. Le monde ne saurait être deviné. Toutes les fois que nous raisonnons sur des existences, les prémisses doivent être tirées de l’expérience et non de notre propre conception ; de plus la conclusion que l’on tire de telles prémisses n’est que probable et jamais certaine : elle ne devient certaine que si elle est trouvée, à l’aide d’une observation directe, conforme à la réalité.

Tel est le principe solide sur lequel reposent les sciences modernes, l’origine de tous leurs développemens véritables, le fil conducteur de toutes les découvertes si rapidement accumulées depuis le commencement du xviie siècle dans tous les ordres de la connaissance humaine.

Cette méthode est tard venue dans le monde ; son triomphe, sinon sa naissance, est l’œuvre des temps modernes. L’esprit humain d’abord avait procédé autrement. Lorsqu’il osa pour la première fois s’abandonner à lui-même, il chercha à deviner le monde et à le construire, au lieu de l’observer. C’est par la méditation poursuivie pendant des années, par la concentration incessante de leur intelligence, que les sages indiens s’efforçaient d’arriver à la conception souveraine des choses, et par suite à la domination sur la nature. Les Grecs n’eurent pas moins de confiance dans la puissance de la spéculation, comme en témoignent l’histoire des philosophes de la Grande-Grèce et celle des néo-platoniciens. Le rapide progrès des