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Comme tous les villages des landes, La Teste et les autres localités du littoral d’Arcachon sont habitées en partie par des résiniers ; mais à ces hommes sauvages, qui semblent tenir de la nature des grands bois au fond desquels ils passent presque toute leur existence, il faut ajouter les marins et les pêcheurs, qui de leur côté se trouvent moins souvent dans leurs maisons qu’à bord de leurs pinasses, sur les eaux du bassin ou de l’Océan. Parfois la population masculine presque entière, à l’exception des infirmes et des enfans, est absente des villages, et seulement un petit nombre de femmes restent pour garder les demeures et vaquer aux soins du ménage. Résiniers et marins formaient jadis comme deux races distinctes et vivaient dans un état d’hostilité plus ou moins ouverte. Si l’antagonisme a disparu de nos jours, le contraste persiste, et il ne faut pas avoir séjourné longtemps dans le pays pour savoir distinguer les hommes exerçant l’un ou l’autre métier. Le résinier se fait remarquer par ses membres grêles, ses joues pâles et creuses, son regard fixe, son silence obstiné, la sauvagerie de ses mœurs, sa rigide économie : il est sombre comme si le mystère de la forêt pesait toujours sur lui, et quand il se déride, sa gaîté fait une explosion féroce. Le marin au contraire est un joyeux compagnon ; son teint hâlé est pourtant rose, ses membres sont forts, sa démarche assurée : il aime à rire et à chanter, il dépense généreusement le produit de ses pénibles voyages. Il faut ajouter toutefois que les progrès de l’instruction et du bien-être atténuent peu à peu la différence qui existe entre les deux classes. Le résinier a déposé sa veste rouge pour prendre le costume ordinaire des paysans ; grâce au renchérissement constant des produits qu’il livre au commerce, il peut s’acheter des champs, se bâtir une maison, modifier son genre de vie sordide ; sa position sociale s’améliore, et, devenant un bourgeois à la ville, il cesse d’être un sauvage dans les bois.

Avant la construction du chemin de fer, La Teste de Buch était l’entrepôt de tous les villages du littoral des landes jusqu’au-delà de Mimizan. Les marins du bassin d’Arcachon étaient alors les intermédiaires d’un assez grand commerce avec les ports de la Bretagne, principalement avec Nantes : c’est là qu’il allaient vendre toutes les résines de la contrée pour apporter en échange diverses denrées et des pierres de construction. Ils ne faisaient aucun trafic avec Bordeaux, sans doute parce que cette ville pouvait s’approvisionner à meilleur compte de résines et de goudrons dans les communes environnantes ; lorsqu’un navire de La Teste entrait dans la Gironde, c’était uniquement pour échapper à la tempête. Les voies de communication rapide ont de nos jours presque entièrement supprimé la navigation de cabotage qui existait entre le bassin d’Arcachon et