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la Bretagne. Seulement quatre chasse-marée, ayant chacun de 50 à 80 tonneaux de jauge, se balancent sur les eaux du port de La Teste ou se penchent dans la vase des crassats. Il ne reste plus aux marins que la ressource de la pêche, soit en pleine mer, soit au milieu du bassin d’Arcachon. Heureusement, sur toute la partie du littoral français comprise entre Vannes et Saint-Jean-de-Luz, il n’existe pas de parages aussi poissonneux que ceux du quartier maritime de La Teste.

La pêche maritime, connue encore sous le vieux nom de péougue, dérivé du latin pelagus, n’est point exempte de dangers, car elle se fait pendant la saison des tourmentes, en hiver et au printemps. Après avoir franchi la barre, il faut tenir la mer par tous les temps, s’occuper à la fois de la pose des filets et du salut de l’embarcation, savoir, au moment propice, glisser sur les brisans, pressentir l’approche de la tempête pour rentrer à la hâte dans le bassin et quelquefois pour s’enfuir vers les abris qu’offrent l’embouchure de la Gironde ou les pertuis de la Saintonge. Malheureusement, dans ces parages du golfe de Gascogne, les variations atmosphériques se produisent d’une manière soudaine et parfois tout à fait imprévue. Il ne se passe guère de saison d’hiver sans qu’une ou plusieurs chaloupes de pêche ne périssent en essayant, malgré le vent, de forcer l’entrée du bassin d’Arcachon.

Il y a quelques années, les pêcheurs qui s’aventuraient sur la mer étaient encore bien plus exposés qu’ils ne le sont aujourd’hui : lorsqu’ils se laissaient surprendre par une violente tempête loin du rivage, il ne leur restait plus qu’à lutter contre une mort presque inévitable. Alors les chaloupes de pêche n’avaient pas même de quille, et le pont était remplacé par quelques solives sur lesquelles s’asseyaient les rameurs ; pourtant un équipage de treize hommes s’embarquait sur ces espèces de pirogues, à peine supérieures à celles des peuplades sauvages. Arrivés à l’endroit favorable, les marins jetaient de lourds filets, réseaux de 100 mètres de longueur assujettis à des flotteurs de liège, puis ils veillaient. Quels que fussent l’état de l’atmosphère et les menaces de l’horizon, ils devaient se maintenir près du filet, qui représentait pour eux un capital de plusieurs centaines de francs et l’avenir de la famille. Malheur à eux quand la force du vent ou la hauteur des lames de fond les obligeait à laisser dans la mer leurs engins de pêche, et à s’enfuir vers l’estuaire de la Gironde, éloigné de plus de 100 kilomètres ! Malheur aussi lorsqu’ils étaient surpris par l’orage après une pêche abondante et que les bordages de leur bateau pesamment chargé étaient à peine élevés de quelques pouces au-dessus de la mer ! Pour empêcher les vagues de déferler dans la pinasse, ils tendaient