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les comforts de l’existence. Une petite colonie de familles étrangères s’est installée déjà dans les villas d’hiver construites sur le revers méridional des dunes d’Arcachon. L’expérience de ces nouveau-venus, malades pour la plupart, prouvera une fois de plus que l’odeur des pins et l’électricité dégagée par les émanations résineuses exercent une heureuse influence sur la marche de plusieurs maladies et principalement des affections de poitrine. Les habitans des villas de la forêt jouiront en outre de la douce température hivernale qui distingue le climat d’Arcachon ; souvent aussi ils auront la satisfaction de voir passer sur leurs têtes, sans en recevoir les ondées, de gros nuages que le vent de l’Atlantique chasse rapidement vers l’intérieur des terres, où ils crèvent en averses. Cependant, il faut le dire, après un agréable hiver vient le mois des pluies et des brusques tempêtes, le triste mois de mai que nos poètes ont tant chanté parce qu’il est beau dans la Grèce. En été, les chaleurs sont presque intolérables dans les vallons des dunes ; mais sur les bords du bassin la brise marine ou les vents qui soufflent de l’intérieur du continent rafraîchissent constamment l’atmosphère. L’écart que les météorologistes ont constaté entre la température estivale de la forêt et celle de la plage est de 6 degrés environ[1]. Ainsi dans une zone de quelques centaines de mètres de. largeur on trouve deux climats parfaitement distincts : l’un favorise la création d’un quartier d’hiver pour les malades ; l’autre convient davantage au quartier d’été, que fréquentent déjà depuis quelques années les baigneurs et les hommes de plaisir. Deux villes juxtaposées, ayant chacune sa population distincte, remplacent l’antique solitude d’Arcachon.


III

C’est un fait souvent démontré par l’histoire que la décadence morale peut coïncider avec les progrès matériels, lorsque les ressources de la contrée proviennent d’opérations plus ou moins aléatoires, et non pas d’un travail régulier. De même aussi les bénéfices intermittens, réalisés dans la plupart des villes de bains par suite de l’affluence temporaire des étrangers, peuvent exercer une action démoralisante sur les habitans, et les accoutumer à ne plus compter sur eux-mêmes, à se croiser paresseusement les bras, à tout demander au hasard. Ce serait donc un grand malheur pour Arcachon, si cette ville naissante n’avait aucune industrie locale et devait passer,

  1. Les températures moyennes de l’été sont, d’après les observations de M. Hameau, de 27°,4 dans la forêt et de 21°,6 sur le rivage du bassin.