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l’une de ses préoccupations les plus constantes le soin de maintenir l’équilibre entre les deux élémens constitutifs du génie national. Si dans l’un des plateaux de la balance il a fait passer tour à tour la Crimée, l’Italie, la Chine, la Cochinchine et le Mexique, dans l’autre il a jeté le décret du 24 novembre 1860, la mémorable lettre à M. Fould, et certaines manifestations qui ne laissent pas douter qu’une part notable sera faite à l’intelligence politique avant que le pays le réclame assez impérieusement pour enlever au pouvoir le profit légitime d’une initiative opportune. A partir du décret du 24 novembre, la constitution du 14 janvier 1852, qui jusqu’alors avait été, comme celle de l’an VIII, une sorte de lettre morte, devint une vérité à laquelle se rattachèrent les intérêts, une espérance qu’acceptèrent les ambitions honorables, une égide derrière laquelle n’hésitent plus à s’abriter les renommées les plus éclatantes. Je ne sais pas pour une législation fondamentale de fortune dont un véritable esprit politique dût être plus jaloux, et lorsque je considère l’état intérieur des partis, je ne vois pas pour le pouvoir d’épreuve qui soit au fond moins périlleuse; cette épreuve en effet ne saurait réussir, même aux plus illustres, que si elle est accomplie sans aucune arrière-pensée et dans l’intérêt exclusif du pays. Pour la première fois peut-être, où va livrer, en dehors de toute préoccupation personnelle, le grand combat de la liberté; c’est aussi pour la première fois que la France de 89; de 1814 et de 1830 va s’efforcer de reprendre, dans des conditions un peu différentes de celles qu’elle avait admises jusqu’à présent, l’œuvre qui touche de si près à notre honneur national, puisque cette œuvre continuerait à porter notre nom dans toute l’Europe, lors même que nous aurions l’insigne faiblesse de la répudier.

Le problème soumis depuis les élections générales à la sagacité du pouvoir se trouve posé en des termes fort simples. Rassurée désormais sur la force du gouvernement qui la régit et revenue à ses nobles curiosités d’esprit, la France aspire à retrouver l’usage des principales garanties dont elle jouissait sous la monarchie parlementaire, toute prête d’ailleurs à répudier les dispositions contre lesquelles le régime représentatif lui semble s’être deux fois brisé. Heureuse de faire preuve de persévérance après avoir fait acte de sagesse et de consolider l’ordre public par la conquête de la liberté, elle attend l’accomplissement de ses vœux, soit de l’initiative impériale, soit d’un sénatus-consulte organique, soit enfin d’un plébiscite, si ce recours suprême à sa propre souveraineté est jamais réputé nécessaire. Les préoccupations du monde politique portent sur divers points, et le caractère essentiellement perfectible de l’acte constitutionnel nous autorise à les indiquer, puisque cette indication