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ou deux petites mèches folles, trop courtes pour être relevées et contenues derrière la tête, garnissaient les sinuosités de ce cou d’albâtre dont la morbidesse attirait forcément le regard. Ses yeux d’un bleu céleste s’entr’ouvraient lentement sous un léger nuage de mélancolie qui en tempérait la douceur enchanteresse. Le front haut, largement modelé, indiquait la noblesse des instincts et le besoin d’une forte culture morale. Mais comment rendre l’expression ineffable du sourire de Frédérique, lorsque ses lèvres, habituellement fermées, et dans l’attitude du recueillement, s’épanouissaient sous la pression d’un sentiment aimable ? Son beau visage s’éclairait alors de cette lumière intérieure de l’âme qui est à la gaîté bruyante de l’esprit ce que le crépuscule d’un beau soir d’été est à la vive clarté du jour, ce que la mélodie de Mozart est à celle de Rossini. Des dents fines, serrées et blanches comme du lait ornaient une bouche adorable. Son visage, formant un ovale un peu allonge, se terminait par une fossette gracieuse qui divisait le menton en deux hémisphères d’une égalité parfaite. De belles épaules dont la frêle charpente attendait le développement de la vie, une poitrine blanche, délicate, qui tressaillait à la moindre impression, enfin un ensemble délicieux de grâce épanouie et de recueillement, de sérénité méridionale et de rêverie allemande, telle était Frédérique de Rosendorff au sortir de l’adolescence. On l’eût reconnue alors dans ces vers du poète de la lumière et du sentiment :

Sous sa robe d’enfant qui glisse des épaules
À peine aperçoit-on deux globes palpitans,
Comme les nœuds formés sous l’écorce des saules
Qui font renfler la tige aux sèves du printemps.

Le caractère de cette jeune fille offrait les mêmes contrastes que sa constitution physique. Elle avait un esprit pénétrant, d’une tournure assez sérieuse, qui se plaisait dans la lecture des bons livres, sans être insensible pour cela aux plaisirs de son âge et de son sexe. Douée de nobles instincts, qui n’avaient pu être développés dans la famille qui l’avait adoptée, Frédérique aspirait à s’élever, à donner l’essor à ses facultés, à se dégager enfin du milieu où la nature et le sort l’avaient placée. Cette ambition d’enfant, qui se montrait dans toute sa naïveté, n’avait rien de vulgaire et qu’on pût confondre avec la vanité qui recherche les distinctions sociales. L’âme généreuse de Frédérique était plus disposée à se laisser surprendre par l’attrait d’un dévouement inconsidéré qu’à se soumettre à des préoccupations égoïstes. Elle aimait cependant les élégances et les somptuosités de la vie. La perspective d’une existence médiocre l’eût effrayée, moins à cause des jouissances matérielles, qui lui