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de guerre, vers 1606. Comprise dans l’incendie du palatinat ordonné par Louis XIV et son digne ministre Louvois, bombardée par l’armée républicaine et reprise par les Autrichiens en 1795, Manheim a subi de nombreuses et cruelles vicissitudes qui l’ont renouvelée de fond en comble. C’est aujourd’hui une ville spacieuse, riante et régulière, trop régulière, une ville de princes qui ne dit rien à l’imagination et qui n’évoque que des idées modernes de quiétude et de comfort. Pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle, sous le règne de Charles-Théodore, qui a été le dernier prince palatin, Manheim était pour l’Allemagne du sud ce que Weimar était pour l’Allemagne du nord, le siège d’une cour brillante, un centre d’activité et de civilisation où les arts, surtout la musique, avaient trouvé des protecteurs puissans et éclairés. C’est à Manheim qu’on essaya d’édifier cette œuvre si longtemps désirée par la nation, un opéra allemand, qui fut aussi le rêve de la jeunesse de Mozart. Un maître de chapelle de Charles-Théodore, Holzbauer, composa la musique d’un opéra, Günther von Sckwarzburg, qui fut représenté sur le théâtre de Manheim dans le carnaval de l’année 1777. Mozart, qui se trouvait alors dans cette ville joyeuse, où il était venu chercher fortune, parle avec estime de la musique de Holzbauer. Un autre opéra allemand dont le libretto était de Wieland, Rosamunde, fut donné l’année suivante sur ce même théâtre de la cour de Manheim. La musique était d’un certain Schweitzer, qui avait déjà écrit un opéra, Alceste, dont Wieland ose préférer la musique à celle de Gluck, tant le patriotisme des plus grands esprits était flatté alors de voir sur la scène lyrique un ouvrage composé, écrit et chanté dans la langue nationale. Sous la direction d’Iffland et du comte Dalberg, le théâtre de Manheim a été depuis 1780 jusqu’en 1796 la première scène littéraire de l’Allemagne. Schiller y a fait représenter les Brigands en 1782, la Conjuration de Fiesque en 1784, Amour et Intrigue le 15 avril de la même année, et Don Carlos le 9 avril 1788[1]. L’électeur Charles-Théodore et son ministre de Hompesch étaient les protecteurs zélés de tout ce qui pouvait donner l’essor au génie national. Après avoir fondé, en 1763, une académie palatine consacrée à l’étude de l’histoire et des sciences naturelles, qui devait se combiner plus tard avec une académie des arts plastiques, le prince créa en 1775 une société des lettres ayant pour objet d’aider au mouvement d’émancipation dont Lessing, Klopstock, Herder, Goethe et Wieland étaient les promoteurs. Une collection de tableaux et de gravures, avec un grand nombre de plâtres reproduisant les principaux chefs-d’œuvre de la

  1. Voyez l’Histoire de l’art dramatique allemand, t. III, par Édouard Devrient.