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cevantes. Depuis 1857, l’expérience l’enseigné assez clairement : laissée à elle-même, l’application a été des plus arbitraires et des plus vacillantes. Quoiqu’en fait d’appréciations techniques les garanties inhérentes à l’ordre administratif soient demeurées entières et incontestées, nous n’en avons pas moins été réduits à passer de changemens en changemens et à voir du jour au lendemain vieillir et disparaître des combinaisons hasardeuses. La preuve qu’au sein des mouvemens si complexes de notre société et dans le conflit des intérêts si nombreux et si divers qu’elle englobe, d’autres garanties sont indispensables, cette preuve-là se trouve écrite à la suite de tous ces contrats faits, défaits et refaits tour à tour.

Il n’est personne qui n’aspire à voir fermer le cycle de cette instabilité. Or rien ici ne peut tenir lieu de l’éclat du grand jour, du choc des opinions, de la libre recherche ouverte à tous les esprits. Pour arriver au but, le programme est facile à dresser. Une fois qu’on aura reconnu qu’il existe des obstacles à la discussion dans telle ou telle loi, dans tel ou tel sénatus-consulte, comme celui du 25 décembre 1852, il y a des voies constitutionnelles toutes tracées, — c’est un avantage assez prôné de notre constitution, — pour en opérer la réforme. On appliquerait ensuite aux enquêtes ce système de complète publicité dont la lutte des deux compagnies méridionales nous a offert un si salutaire exemple. Ce n’est pas tout : il est nécessaire que la presse, qui nous semble s’abstenir beaucoup trop dans les questions de ce genre, porte ses investigations sur les détails de ces grandes affaires où sont engagés tant d’intérêts. La publicité et le contrôle ne sont assurés qu’à ce prix. Il resterait enfin à former le vœu que les projets de lois concernant les chemins de fer n’arrivassent plus à la discussion publique durant les derniers jours d’une session législative, alors que les minutes sont comptées, qu’on est obligé de mesurer le temps à chacun avec une parcimonie sévère. Quand on est prêt à reconnaître la féconde impulsion donnée à l’achèvement du réseau, il doit être permis d’appeler de ses vœux ces garanties suprêmes qui peuvent seules procurer la stabilité nécessaire à tous les intérêts, écarter les expédiens aventureux et faire disparaître une cause de troubles et de soubresauts pour le crédit public. Ainsi les enseignemens comparatifs à tirer de la guerre des réseaux et des conventions de 1863 conduisent infailliblement à constater un même besoin et à reconnaître l’unique moyen de donner à l’esprit de progrès une base solide et un stimulant efficace.


A. AUDIGANNE.