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et des électeurs comme des députés sans fantaisie finissent par n’avoir d’autre mérite que celui de la discipline, au lieu du mérite de la volonté, dont un parti ne peut se passer. Au contraire, les candidats de l’opposition n’ont été élus qu’en petit nombre. Qu’importe encore? Qu’ils aient réussi ou qu’ils aient échoué, ils ont groupé autour d’eux un parti d’opposition qui, sans recevoir aucune consigne, s’est tracé sa voie et sa marche, étendant ses rangs sans confusion ni désordre, décidé à ne courir aucune aventure et n’oubliant pas que si la constitution ne doit pas être mise en question, elle a néanmoins été déclarée perfectible. Les élections de 1863 sont donc un appel à l’opinion publique; elles ont mis notre système électoral à l’étude, et elles permettent de reconnaître l’usage qui en a été fait.


I

La constitution de 1852 a laissé au corps législatif la discussion du budget et des lois proposées par le gouvernement. Le décret du 24 novembre 1860, élargissant les attributions des députés du pays, leur a reconnu le droit de répondre, sous forme d’adresse, au discours de la couronne et de discuter cette réponse. Le sénatus-consulte du 21 décembre 1861 leur a soumis le contrôle de toutes les dépenses publiques. Toutefois, en déclarant que les ministres ne sont pas responsables, qu’ils sont tenus à l’écart de toutes les discussions publiques, auxquelles le ministre d’état est aujourd’hui seul associé, enfin qu’ils n’ont de compte à rendre qu’à l’empereur, la constitution de 1852 a enlevé au corps législatif sa participation à la direction du gouvernement : elle ne lui accorde que le droit de faire connaître son avis sur la conduite des affaires intérieures ou extérieures du pays, et elle ne lui permet pas de donner ou de retirer sa confiance à ceux qui sont chargés par le souverain de l’exercice du pouvoir. Dans ces conditions, le corps législatif n’a été destiné jusqu’ici qu’à jouer un rôle modeste. Il est dit dans le préambule de la constitution que le sénat comprendra les illustrations, et le conseil d’état les capacités de l’empire. Le corps législatif n’a pas besoin d’être recruté dans ces catégories d’élite; il est laissé au choix des électeurs, et puisqu’il ne peut jamais faire la loi au pouvoir, le pouvoir semble dès lors être moins intéressé dans l’élection des députés du pays; il ne s’est réservé aucun droit légal de la contrôler ni de la contrarier.

Les lois électorales ne portent à cette liberté du choix des députés aucune atteinte directe. Elles ne reproduisent pas l’organisation du suffrage universel tel que le premier empire l’a fait fonctionner, au