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moyen de collèges électoraux dont les membres, nommés à vie par le vote populaire, présentaient des candidats parmi lesquels le sénat désignait les membres du corps législatif. Elles ne mettent pas de cette sorte et sans aucun ménagement le suffrage universel en tutelle. D’autre part, elles ont le mérite d’avoir permis aux électeurs de se reconnaître en ne leur demandant qu’un choix, limité à un seul député; elles n’ont pas renouvelé le système du scrutin de liste, qui, en faisant élire tous les députés d’un département par les mêmes électeurs, supprimait les rapports entre les électeurs et les candidats, les rendait nécessairement étrangers les uns aux autres, et faisait de l’élection une désignation de parti au lieu d’une question de choix et de confiance. L’élection telle qu’elle résulte de la loi électorale ne comporte plus l’intervention du sénat; elle n’appartient qu’aux électeurs, et dans chaque circonscription les électeurs n’ont plus qu’un seul député à élire. C’est par le suffrage universel et isolément que les députés sont élus. En laissant de côté l’examen des mérites de cette législation, qui demanderait une étude approfondie, il ne faut pas s’exagérer les obstacles résultant du système qui oblige les candidats à courir les hasards de l’indifférence ou de la sympathie populaire. Les élections de 1848 et de 1849, malgré les écueils à travers lesquels il fallait naviguer, avaient laissé l’accès ouvert à toutes les opinions : elles leur avaient permis de se produire au grand joui’ et de recruter leurs partisans. A coup sûr, pour réussir dans une telle épreuve ou même seulement pour tenter le succès, il faut avoir acquis une renommée au moins naissante, s’être signalé par des services déjà rendus à ses concitoyens, ou déployer pour se faire connaître une activité infatigable; mais la vie publique n’est pas plus pour les individus que pour les gouvernemens un lit de repos : les oisifs n’y sont pas à leur place. Quelque peu engageant qu’ait, été le champ de bataille des dernières élections, ce n’est pas le grand nombre des électeurs qui a créé un obstacle insurmontable à l’entente des citoyens ainsi qu’à la libre concurrence des candidatures. L’obligation de se mettre en campagne pour aller chercher, fût-ce dans les plus lointains villages, les électeurs inconnus avec lesquels on peut faire cause commune est une tâche qui peut paraître à première vue rebutante et ingrate; mais, quand on l’a courageusement remplie, il en ressort une satisfaction qu’il est permis d’avouer : c’est celle d’avoir propagé soi-même ses opinions et de les avoir fait partager. Trouver, sans faire appel à aucune passion, l’écho de sa pensée et de sa parole même au milieu des ateliers et au fond des fermes des campagnes, quelque obscure que soit la destinée de ceux auxquels on s’adresse, c’est là, au milieu de bien des épreuves de tout genre, la récompense qu’il est doux pour un candidat de pouvoir recueillir : participer