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un expédient, et qui n’était pas moins une fatalité de la situation. Du décousu des opérations premières, de l’arrivée prématurée des Espagnols, naissait pour la France la nécessité d’augmenter son contingent pour rétablir l’équilibre dans l’action. De l’ensemble de toutes ces causes enfin naissait cette situation extrême, où une alliance qui n’avait rien fait encore volait en éclats dans une dernière conférence des plénipotentiaires à Orizaba, où la convention provisoire de la Soledad disparaissait dans un désaveu de notre gouvernement, et où le général de Lorencez, envoyé pour succéder à l’amiral Jurien de La Gravière, restait seul, au nom de la France, chargé de reprendre une expédition commencée à trois. Les Anglais avaient toujours déclaré qu’ils ne s’avanceraient pas dans l’intérieur au-delà des points où on était allé camper sans coup férir, par suite de la convention de la Soledad. Les Espagnols étaient arrivés bruyamment les premiers à la Vera-Cruz, et se rembarquaient maintenant assez piteusement, par un coup de tête du général Prim, que le gouvernement de Madrid n’a jamais osé désavouer. La France restait donc seule. Jusque-là c’était l’intervention européenne, et elle ne s’était attestée que par l’impuissance dans la division des conseils; c’était dès ce moment l’intervention française qui commençait, avec les alliés de moins et le général Almonte de plus dans notre camp. On était à la fin d’avril 1862.

Une dernière illusion restait, c’est que l’armée mexicaine, si elle existait, s’évanouirait au premier choc, c’est qu’il n’y avait qu’à s’élancer pour rencontrer enfin partout cette insurrection nationale si souvent annoncée, pour marcher jusqu’à Mexico au milieu des acclamations d’un peuple délivré, et c’était la mission que le général de Lorencez avait désormais à remplir. Il pouvait du moins tenter l’aventure qui de loin semblait si facile. La convention de la Soledad n’existait plus; le corps expéditionnaire français venait de s’accroître, il était porté à six ou sept mille hommes. Trois mois avaient été employés avec prévoyance par l’amiral Jurien de La Gravière à préparer une marche en avant en rassemblant tout ce qu’il avait pu trouver de moyens de transport. La marche commençait en effet aussitôt. Elle fut d’abord brillante. Nos soldats, ramenés un moment en arrière pour faire honneur aux engagemens de la Soledad, reprenaient leur élan sur une provocation du général mexicain Zaragoza, dépassaient Orizaba et abordaient avec une vaillante résolution les hauts défilés des Cumbres, qu’ils emportaient comme en se jouant; tout cédait devant leur audace. Les détache-mens mexicains qu’ils avaient devant eux se repliaient rapidement, et le 4 mai on était devant la ville de Puebla, où s’était concentrée l’armée mexicaine, paraissant disposée à se défendre à l’abri