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nationaux où l’on convoquait avec fracas toute la population pour avoir le droit d’imposer des amendes à ceux qui refuseraient de répondre à l’appel. La chute de Puebla laissait si bien le gouvernement désarmé, qu’à la première nouvelle de la reddition de la ville assiégée, dès le 27 mai, M. Juarez rendait un décret transportant à San-Luis de Potosi les pouvoirs de la fédération mexicaine. Il partait lui-même assez tristement avec un petit corps de troupes, les ministres, les membres du congrès, les principaux fonctionnaires, tandis que d’un autre côté le général Forey recevait le 2 juin à Puebla une députation composée des consuls des États-Unis, de Prusse, d’Espagne, et envoyée par la municipalité de Mexico pour remettre la ville entre les mains du chef de l’armée française, et hâter l’arrivée de nos soldats dans la capitale du Mexique. La chute de Puebla avait eu lieu le 18 mai; le 10 juin, le général Forey, après s’être fait précéder par le général Bazaine, faisait à son tour son entrée dans Mexico à la tête de l’armée, au milieu des pompes, des tentures, des drapeaux, des inscriptions, des acclamations, qui se renouvellent dans tous les pays, et particulièrement au Mexique, devant tous les gouvernemens. La question militaire avait fait un pas, elle l’avait fait rapidement, en quelques jours, quoiqu’elle ne fût pas aussi décidément résolue qu’elle le paraissait. La question politique, la question de la régénération du Mexique, cet autre mot d’ordre de notre intervention, se relevait tout entière.

Les événemens ont une logique naturelle et irrésistible. Depuis un an et demi, on voyait la monarchie à travers l’expédition française; on ne l’imposait pas, on l’admettait comme une conséquence possible et prévue, comme une éventualité qui était dans le vœu intime d’une nation courbée pour le moment sous un joug révolutionnaire et n’attendant que sa liberté pour se prononcer. Des Mexicains concouraient à cette œuvre, dans laquelle ils voyaient la dernière ressource de leur pays. Un parti, vaincu il est vrai, silencieux, mais puissant par la fortune, par les lumières, par l’influence sociale, pouvait être considéré comme se ralliant secrètement à cette pensée. Pour une population mobile et fatiguée de tout, c’était un changement. Il était bien simple que dans le vide laissé par M. Juarez, sous l’impulsion désormais plus libre des promoteurs de l’idée monarchique, à l’abri d’un drapeau envoyé au-delà de l’Atlantique pour être le témoin et au besoin le protecteur de la régénération mexicaine, il était bien simple, dis-je, que dans ces conditions on courût au dénoûment. C’est ce qui est arrivé en effet, et tout ce qui s’est passé à Mexico depuis l’entrée de l’armée française, le 10 juin, n’est en quelque sorte que la mise en scène de la monarchie.