Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/702

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Au premier instant du départ de M. Juarez, le pouvoir restait à la municipalité, qui chargeait un ancien officier, le général Salas, de maintenir l’ordre dans la ville. C’était uniquement un pouvoir de transition remplissant une mission de sûreté publique. L’organisation commençait le jour où le général Forey créait par un décret une junte composée de trente-cinq notables, désignés par le ministre de France. Cette junte, à son tour, devait nommer un triumvirat de citoyens mexicains pour exercer le pouvoir exécutif et convoquer une assemblée de nouveaux notables, au nombre de 215, pour choisir la forme définitive du gouvernement du Mexique. Le triumvirat fut composé du général Almonte, du général Salas et de l’archevêque de Mexico, Mgr Labastida, qui était absent, et qui fut provisoirement remplacé par Mgr Ormaechea. L’assemblée des notables, réunie le 7 juillet, n’hésitait pas longtemps : elle se prononçait pour la forme monarchique, décidait que le souverain prendrait le titre d’empereur, et proposait d’offrir la nouvelle couronne impériale à l’archiduc Maximilien d’Autriche. Des libéraux avaient été désignés pour faire partie de l’assemblée des notables; quelques-uns s’excusèrent, d’autres ne répondirent même pas. Ce qui est arrivé depuis, on le sait. Une députation mexicaine a été envoyée en Europe; elle s’est rendue au château de Miramar, près de Trieste, pour offrir cette couronne un peu improvisée au prince autrichien, et l’archiduc Maximilien, peut-être assez ému à mesure que le moment d’une résolution approchait, a répondu d’une façon sympathique et évasive, en subordonnant tout au moins son acceptation à des conditions d’assentiment populaire et de garanties européennes qui résument en réalité toute la question mexicaine. Après avoir paru décidé il y a quelque temps, peut-être en est-il venu à hésiter.

De son côté cependant, M. Juarez n’a point renoncé à la lutte. Chassé de Mexico, il s’est réfugié à San-Luis de Potosi, où il s’est établi avec son gouvernement, le congrès, les chefs de son armée, et dès son arrivée à San-Luis, au moment même où notre armée entrait à Mexico, le 10 juin, il traçait, dans une proclamation aux Mexicains, le programme de la guerre qu’il était résolu à soutenir. « Concentré sur un point, disait-il, l’ennemi sera faible sur les autres; disséminé, il sera faible partout. Il se verra forcé de reconnaître que la république n’est point renfermée dans les villes de Mexico et de Saragosse (Puebla), que la vie, la conscience du droit et de la force, l’amour de l’indépendance et de la démocratie, le noble orgueil soulevé par l’envahisseur de notre sol, sont des sentimens communs à tout le peuple mexicain... » Ce n’est pas seulement M. Juarez qui a parlé ainsi et qui a relevé le drapeau de la