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avec Olivier suffit pour justifier mon opinion. On ne parle pas un langage plus faible, plus timide, plus mou, qui autorise davantage l’indiscipline, la révolté et l’insolence. Un héros du stoïcisme, ce Jean Baudry ! Eh ! non, mille fois non, ce n’est qu’une ganache qui a bon cœur, ou plutôt c’est tout simplement ce personnage de convention de la littérature du dernier siècle, l’homme bienveillant et sensible rajeuni selon les formules d’une certaine école et accommodé au goût du jour.

Les Indifférens, de M. Adolphe Belot, l’un des auteurs du Testament de César Girodot, valent, à mon avis, beaucoup mieux qu’on ne l’a dit. La pièce est longue, traînante, nonchalante et froide comme les personnages mêmes dont elle porte le nom et qu’elle veut peindre ; mais elle ne manque ni d’esprit, ni de vérité, ni de finesse. C’est encore une singulière maison que celle où M. Belot nous introduit : il y règne une température glaciale que les feux de l’enthousiasme le plus brûlant ne parviendraient pas à dissiper. Dès qu’on y entre, on commence à frissonner, au bout de quelques heures on y gèle, et si on ne prend pas le parti de s’en aller, on court risque de partager le sort des habitans de cette Sibérie de nouvelle espèce. Tous les membres de cette famille vivent comme étrangers les uns aux autres, indifférens à leurs actions réciproques ; on dirait les hôtes d’un hôtel garni parisien ou d’un boarding house anglais. Ils se rencontrent aux heures des repas, échangent quelques paroles insignifiantes et banales ; puis, le repas fini, chacun va de son côté. Il est convenu que les actions du mari ne regardent pas la femme, que les actions du fils ne regardent pas le père. Indifférens les uns aux autres, ces singuliers personnages le sont bien plus encore au reste du monde ; ils ne se soucient de quoi que ce soit, et vivent dans le néant moral le plus complet. Cela m’est bien égal, cette parole qui revient sans cesse sur leurs lèvres et qui commence et finit invariablement tous leurs discours, est la formule parfaite de leur existence. Rien n’est contagieux comme l’indifférence, et rien ne s’apprend plus vite, parce que rien ne lasse plus vite. Que faire en face d’un indifférent quand on est condamné à vivre avec lui ? Se taire et l’imiter. On se fatigue de dépenser inutilement son enthousiasme, son intelligence, sa sensibilité. On renferme donc en soi tous ces trésors qui n’ont pas leur emploi, et comme les journées se passent sans qu’on ait l’occasion d’en faire usage, on les oublie, et au bout de quelque temps on ne saurait dire s’ils ont existé. C’est là l’histoire de la famille Simonet. Il a suffi d’un seul personnage, M. Simonet père, pour communiquer l’indifférence à toute sa maison. Selon lui, pour vivre heureux, il ne faut rien prendre au sérieux dans la vie, il faut traiter toutes choses comme de simples blagues, selon le mot de son fils Aristide, qui a merveilleusement