Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/795

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

V.
PREMIER TABLEAU. — Le théâtre représente le salon.
SCÈNE PREMIÈRE.
EMMA, FRITZ.
EMMA

Ainsi vous croyez à la vertu de Mlle Pompéa?

FRITZ

Eh ! quelle raison avez-vous de ne pas y croire?

EMMA

Moi? aucune. La compensation aux souffrances de votre sœur sera du moins le départ de ces chanteuses ancienne et nouvelle.

FRITZ

Vous êtes bien rigoriste.

EMMA

C’était votre opinion hier matin, je l’ai conservée. Au surplus, cher fiancé, voilà plus d’un an que nous sommes promis l’un à l’autre; ne trouvez-vous pas que c’est un peu long?

FRITZ

Vous savez bien, chère Emma, qu’il y a quelques mois à peine nous étions encore en deuil de ma mère; mais mes engagemens sont sacrés, et je ne crois pas que personne soit en droit de me soupçonner de vouloir y manquer....

EMMA

Vous me comprenez mal, mon noble cousin : ce que je veux dire, c’est que, depuis un an, nous avons épuisé ensemble l’idéal, la poésie de l’amour; maintenant il ne reste plus que la partie prosaïque, bien peu digne de nous... Que penseriez-vous si nous nous rendions l’un à l’autre une entière liberté?

FRITZ, d’un air flatté et fâché.

En vérité, Emma, vous avez tort d’être jalouse.

EMMA

Moi! Et de qui?

FRITZ

Cela se voit de reste, de Mlle Pompéa.

EMMA, le regardant ironiquement.

Et de vous?

FRITZ

Sans doute ; hier soir ces messieurs l’avaient remarqué comme moi.

EMMA, riant.

Ah! c’est l’opinion d’Herman et du comte de Noirmont !

FRITZ

Je n’avais pas besoin de leur avis; votre dépit était assez visible.