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les plafonds de la Petite Galerie de Versailles et des salons qui en dépendaient, d’autres travaux encore, exécutés par Mignard vers la même époque, achevèrent de mettre en honneur une manière que vingt imitateurs divers travaillaient aussi de leur mieux à propager. Lebrun étant mort par surcroît, et Mignard ayant été revêtu de toutes les dignités, de toutes les charges qu’avait possédées son rival, rien ne se fit plus dans le domaine de la peinture, et surtout de la peinture monumentale, que le peintre du Val-de-Grâce n’eût inspiré, approuvé tout au moins, et en quelque façon contre signé. L’habitude était si bien prise de subir sur ce point son empire, que lorsqu’il fut question, en 1691, de faire décorer le dôme des Invalides, Louvois s’empressa de soumettre le projet à Mignard, en lui demandant de choisir l’artiste auquel il conviendrait de confier cet important travail. Bien qu’il fût alors âgé de quatre-vingt-un ans, Mignard n’hésita point à se désigner lui-même. Aux premiers mots de Louvois, il répondit par l’offre, acceptée sans objection, bien entendu, de présenter très incessamment ses esquisses, et de se mettre à l’œuvre sur place aussitôt qu’elles seraient agréées. Au bout de deux mois en effet, l’ensemble de la composition était tracé sur le papier, et l’on préparait déjà les échafaudages, lorsque la mort de Louvois vint retarder le commencement de l’entreprise. D’autres difficultés se produisirent dont il fallut attendre longtemps la solution, si bien que, d’ajournement en ajournement, on laissa se passer quatre années, au bout desquelles Mignard mourut à son tour, et que quatre autres années durent s’écouler encore avant que le peintre successeur de celui-ci pût s’installer sous le dôme de l’église des Invalides.

Charles de Lafosse, à qui revenait cette tâche, confiée primitivement à Mignard, semblait mieux qu’aucun autre artiste de l’époque en mesure de s’en acquitter à souhait. Ce n’était pas un maître sans doute, bien que la mort de Mignard l’eût élevé hiérarchiquement au premier rang à l’académie et parmi les peintres de la cour ; mais Lafosse était un praticien remarquablement habile, accoutumé de longue main aux grandes entreprises, et ayant, notamment dans la peinture à fresque, fait ses preuves de brillant coloriste. L’Assomption qui orne encore le sommet de la coupole dans l’église de ce nom, à Paris, suffirait pour assurer ses titres à cet égard. Elle pourrait en outre fournir des enseignemens utiles à tels peintres contemporains trop peu soucieux de l’harmonie, ou trop enclins à la chercher dans l’effacement systématique, dans l’extrême faiblesse des tons. À plus forte raison la coupole de l’église des Invalides serait-elle pour eux d’un bon exemple et d’un bon conseil. Qu’on nous permette, à ce propos, d’abriter notre opinion derrière celle d’un juge bien expert dans de pareilles questions, d’un véritable