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de chansons en Angleterre est sans contredit l’invasion projetée d’abord par le directoire, puis par Bonaparte ; mais si une prévention, naturelle du reste, ne nous abuse, elles brillent plus par le nombre que par la qualité. Certes on ne peut douter qu’un sentiment sincère et national ne les ait dictées. Ce ne fut pas le patriotisme, mais l’inspiration qui manqua à l’appel. Dans ces corps de défenseurs improvisés qui se formèrent alors sur tous les points de la Grande-Bretagne, et qui virent Burns et Walter Scott figurer parmi les volontaires de Dumfries et les chevau-légers d’Edimbourg, on put bien enrôler les poètes, mais non la poésie elle-même, du moins la grande poésie qui survit à la circonstance, et qui en Allemagne, lors de la croisade de 1813 contre les Français, avec des interprètes tels que Koerner, Arndt, Uhland, produisit des chefs-d’œuvre admirés de ceux-là mêmes qu’ils vouaient à la haine et à la destruction.

On verra comment en Angleterre la chanson maritime devint plus particulièrement l’organe de la défense nationale contre l’étranger. En dehors de cette forme spéciale, nous serions vraiment embarrassé de citer des morceaux qui ne fussent pas blessans pour notre goût plus encore que pour notre patriotisme. Le Chant des Volontaires de Dumfries, composé par Burns dans les circonstances que nous avons rappelées, fait bien connaître l’état de l’esprit public anglais à cette époque, partagé entre la sympathie que lui inspiraient les libertés proclamées par la révolution française et la crainte de sa propagande à main armée ; mais à côté de sentimens généreux dignes de nos respects il y règne une affectation de vulgarité indigne d’un poète aussi éminent. N’y a-t-il pas également une fâcheuse absence de délicatesse dans ce couplet d’une autre chanson publiée en 1795, où l’on cherche, avec plus de méchanceté que de noblesse, à tourner en dérision l’héroïque pauvreté de nos soldats ?


« La vieille Angleterre n’aime pas les gasconnades, et les troupes que le brave duc d’York commande n’auront pas un train à la Buckingham ; mais, riche de son commerce, elle peut du moins habiller ses défenseurs, et nos soldats sont à même de payer leurs dettes aux vôtres en souliers : vous ne pouvez pas nous en rendre autant. »


Il nous serait peu agréable de multiplier les citations de ce genre, appels à des passions qui, nous l’espérons, ont fait leur temps, bien qu’on s’efforce parfois de les ranimer. Nous aurions mieux aimé pouvoir citer quelque témoignage poétique de la fraternité d’armes qui a rapproché en Crimée et en Chine les soldats anglais et les nôtres ; mais, bien que dans les rues de Londres plusieurs chansons populaires sur la bataille d’Inkermann, sur la prise de Sébastopol,